Conseil d’Etat, 16 février 2018, N°395371
Dans un arrêt rendu rendu le 16 février 2018 (Conseil d’Etat, 16 février 2018, N° 395371), le Conseil d’Etat rappelle la portée de l’autorité de la chose jugée qui s’attache aux décisions pénales définitives.
Si ces dernières s’imposent aux juridictions administratives, c’est uniquement en ce qui concerne « la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif ».
En revanche, cette autorité ne s’applique pas « aux motifs d’un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu’un doute subsiste sur leur réalité ».
En l’espèce, la requérante avait été condamnée à des impositions dont elle avait vainement demandé la décharge, la Cour administrative d’appel ayant estimé que l’intéressée « assurait la gestion administrative, commerciale et financière pleine et entière » de la société et qu’ainsi cette dernière disposait d’un établissement stable en France.
Toutefois, postérieurement à cet arrêt, une autre Cour d’appel a relaxé la requérante des chefs de soustraction frauduleuse à l’établissement et au paiement de deux impôts, au motif que les éléments du dossier étaient insuffisants pour caractériser une véritable exploitation en France de la part de la requérante, qui « n’avait aucun pouvoir pour engager contractuellement en son seul nom la société ».
Il y avait donc une contradiction entre les constatations de fait énoncées par la Cour administrative d’appel (déférée à la censure du Conseil d’Etat) et celles de l’arrêt de relaxe de la cour d’appel, revêtues de l’autorité de la chose jugée mais intervenues après l’arrêt de la juridiction administrative.
Or, si le Conseil d’Etat rappelle que « le moyen tiré de la méconnaissance de [l’autorité de la chose jugée au pénal]« , qui présente un caractère absolu, est d’ordre public et peut être invoqué pour la première fois devant le Conseil d’Etat, juge de cassation, il ajoute, ce qui est nouveau, qu’« il en va ainsi même si le jugement pénal est intervenu postérieurement à la décision de la juridiction administrative frappée de pourvoi devant le Conseil d’Etat ».
Il a donc fait droit à la demande d’annulation de l’arrêt ayant refusé la décharge des impositions qui avaient été mises à la charge de la requérante et, réglant l’affaire au fond, en a déchargé celle-ci.
Cette décision traduit à l’évidence une transformation de la nature du rôle de la cassation puisque, par définition, l’arrêt censuré n’était pas erroné au moment où il a été rendu (la décision pénale n’étant pas intervenue).
Mais il est vrai que le Conseil d’Etat ne pouvait guère statuer autrement sans remettre en cause l’autorité absolue des faits constatés au pénal, et qui se justifie par les « moyens juridiques, inquisitoriaux, dont est dotée l’institution judiciaire pour établir lesdits faits » (E. Landot, Juge pénal, juge administratif et moyens de cassation : un arrêt novateur, Blog Landot & Associés, 21 février 2018).
Annabel QUIN,
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocat au Barreau de Paris
Mise en ligne: 12/06/2018