Il y a quelques mois de cela, nous évoquions dans cette même Revue l’hypothèse délicate du syndic sortant[1]. Si cette situation recèle des difficultés liées en grande partie à la disparition des pouvoirs de l’ancien syndic et à l’organisation de la cessation de ses fonctions, qu’en est-il alors du nouveau syndic ou plus largement de celui que l’on nomme habituellement le « syndic entrant » ?
Cette expression – qui n’est consacrée par aucun texte – va au-delà du seul cas où le successeur du syndic est désigné par l’assemblée générale des copropriétaires, même s’il s’agit du cas le plus fréquemment rencontré. Il peut s’agir aussi, dans une certaine mesure, du syndic dont le nom est mentionné dans le règlement de copropriété avant la réunion de la première assemblée générale, autrement appelé syndic « provisoire ». Il s’agit également parfois, même si les cas sont moins courants, du syndic dit judiciaire, nommé dans le cadre de l’article 46 du décret du 17 mars 1967 ou du syndic nouvellement choisi par et parmi les membres du conseil syndical au sein d’un syndicat coopératif (L. 1965, art. 17-1 al. 1er).
Peu importe que ce syndic soit celui du syndicat principal ou d’un syndicat secondaire, qu’il soit professionnel ou bénévole (même si les obligations pesant sur ce dernier sont légèrement différentes de celles applicables à un professionnel). En revanche, ne correspond pas à la qualification de syndic entrant celui dont le mandat vient d’être renouvelé, ou plus exactement celui qui est à nouveau désigné (D. 1967, art. 28 al.3), puisqu’il ne fait que continuer la gestion qu’il assumait auparavant.
En d’autres termes, le syndic entrant est celui qui vient d’être désigné, selon les modalités rappelées plus haut, en tant que gestionnaire de l’immeuble en copropriété et dont les fonctions sont effectives. En effet, un syndic peut être désigné sans pour autant exercer ses prérogatives immédiatement, le mandat de l’ancien syndic n’étant pas encore venu à expiration. Il suffira de se référer à la date de prise d’effet du contrat de mandat du syndic entrant, comme le prévoit expressément aujourd’hui l’article 29 du décret du 17 mars 1967[1]. Bien entendu, le syndic doit avoir accepté ses fonctions[2].
Dans ce cadre, et outre les droits et obligations inhérents à ses fonctions définis aux articles 17 et 18 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1967 et aux articles 28 à 39-1 du décret n°67-223 du 17 mars 1967, le syndic entrant est amené à prendre un certain nombre d’initiatives lors de son arrivée (I). Il lui est dans le même temps demandé d’assumer des obligations spécifiques, liées à son entrée en fonction (II).
I – Les initiatives du syndic entrant
Tout syndic diligent qui vient d’être désigné entreprend rapidement deux types de démarches, l’une tendant à appréhender l’immeuble dont la gestion lui a été confié (A), l’autre visant à réunir l’assemblée générale pour statuer sur l’action du syndic sortant (B).
A – La découverte de l’immeuble en copropriété
En tant que nouvel administrateur du syndicat, il appartient au syndic de connaître les caractéristiques, non seulement matérielles et juridiques de l’immeuble, mais aussi sociologiques. Dans cette optique exploratoire, le syndic va entrer en relation avec un certain nombre de personnes (1) et se procurer les documents indispensables à l’exercice de ses fonctions (2).
1 – Les personnes à contacter
Il n’est pas envisageable d’imaginer qu’un syndic entrant ne consulte pas diverses personnes afin de gérer, au mieux de ses intérêts, le syndicat des copropriétaires dont il a la charge. Il s’agit de tous ceux qui, de près ou de loin, ont un rapport avec l’immeuble. Nous citerons notamment :
- les notaires, en particulier celui qui a rédigé le règlement de copropriété ou ceux qui sont intervenus par le passé pour modifier ce même règlement ou l’état descriptif de division (en cas d’aliénation ou d’acquisition de parties communes, de constitution de servitudes, de modification de lots, etc.) ;
- le géomètre-expert qui est à l’origine de l’état descriptif de division, par exemple lorsque des questions se posent au sujet des éléments pris en considération et de la méthode de calcul permettant de fixer les quotes-parts de parties communes et la répartition des charges ;
- les architectes et entrepreneurs si l’immeuble fait ou doit faire l’objet de travaux dont il faut assurer le suivi ;
- le conseil syndical dont la mission réside précisément dans l’assistance du syndic comme le précise l’article 21 de la loi du 10 juillet 1965. Le syndic pourra se tourner plus spécialement vers le président du conseil syndical dont les renseignements peuvent se révéler très utiles afin de mieux comprendre certaines données « historiques » de l’immeuble ;
- les prestataires de services et les fournisseurs du syndicat des copropriétaires ;
- le ou les avocats du syndicat, afin d’éclairer le syndic sur les litiges auxquels la copropriété est ou a été confronté ;
- le syndic sortant, s’il existe, non seulement afin d’avoir communication des documents et archives du syndic (V. infra), mais aussi pour mieux percevoir d’éventuels écueils intrinsèques à la copropriété.
2 – Les documents à obtenir
Le principe de continuité de l’administration du syndicat des copropriétaires suppose que le syndic entrant soit opérationnel dès que possible. Il lui faut donc disposer de toutes les pièces et outils, juridiques et financiers, essentiels à l’accomplissement de sa mission.
L’éventail des documents dont le syndic entrant peut avoir besoin est assez vaste. De nature disparate, ils contribuent à l’informer sur le statut de l’immeuble, celui de ses occupants et la manière dont il a été géré jusqu’à présent, à moins qu’il ne s’agisse d’un immeuble neuf.
Sans prétendre nullement à l’exhaustivité, il s’agit :
- des plans et schémas de l’immeuble et autres documents relatifs à la construction ou la rénovation de l’immeuble, tels que l’attestation de réception des travaux ou la liste des intervenants techniques)[3];
- du règlement de copropriété, de l’état descriptif de division et de leurs éventuels modificatifs ;
- des documents d’urbanisme relatifs à l’immeuble (par exemple, la copie de l’arrêté de permis de construire)[4];
- des contrats conclus par le syndicat (contrats d’entretien, contrats d’assurance, conventions de servitudes, contrats d’entreprise, contrats de travail, etc.) et des différentes factures y afférentes ;
- des documents relatifs aux assemblées générales (feuilles de présence, procès-verbaux, avis de réception des différentes notifications,…) ;
- des dossiers contentieux;
- de la liste des copropriétaires;
- des comptes et de la situation de trésorerie du syndicat[5].
À ce propos, conscient de la nécessité de permettre au nouveau syndic d’être en mesure de remplir sa mission rapidement, le législateur est intervenu afin d’imposer à son prédécesseur de lui communiquer les archives, documents et fonds relatifs à la copropriété.
Ainsi, aux termes de l’alinéa 1er de l’article 18-2 de la loi du 10 juillet 1965, « en cas de changement de syndic, l’ancien syndic est tenu de remettre au nouveau syndic, dans le délai d’un mois à compter de la cessation de ses fonctions, la situation de trésorerie, la totalité des fonds immédiatement disponibles et l’ensemble des documents et archives du syndicat ».
Ensuite, « dans le délai de deux mois suivant l’expiration du délai [d’un mois sus mentionné], l’ancien syndic est tenu de verser au nouveau syndic le solde des fonds disponibles après apurement des comptes, et de lui fournir l’état des comptes des copropriétaires ainsi que celui des comptes du syndicat » (L. 10 juillet 1965, art.18-2 al.2).
La formalisation de cette transmission se traduit par la rédaction d’un document spécialement prévu à cet effet. D’après l’article 33-1 du décret du 17 mars 1967, « en cas de changement de syndic, la transmission des documents et archives du syndicat doit être accompagnée d’un bordereau récapitulatif de ces pièces. Copie de ce bordereau est remise au conseil syndical »[6].
En cas de négligence ou de résistance de la part de l’ancien gestionnaire du syndicat, le syndic entrant peut mettre en œuvre divers mécanismes afin d’obtenir lesdits fonds et documents.
Tout d’abord, une mise en demeure par lettre recommandée avec demande d’avis de réception conformément aux dispositions de l’article 64 du décret du 17 mars 1967. A ce sujet, il a été jugé que dès l’expiration du délai d’un mois, le nouveau syndic peut faire sommation à son prédécesseur de lui remettre les fonds immédiatement disponibles ainsi que les documents et archives du syndicat et décider que cette sommation ne pourra être faite qu’après l’expiration du délai complémentaire de deux mois, aboutit à priver de toute signification le premier alinéa de l’article 18-2 de la loi de 1965[7].
En cas de mise en demeure demeurée infructueuse, « le syndic nouvellement désigné ou le président du conseil syndical pourra demander au juge, statuant en référé, d’ordonner sous astreinte la remise des pièces et des fonds mentionnés aux deux premiers alinéas [de l’article 18-2] ainsi que le versement des intérêts dus à compter du jour de la mise en demeure » (L. 1965, art. 18-2 al.3). L’occasion lui est ici donnée de pallier la négligence voire la mauvaise volonté du syndic sortant qui tarderait ou refuserait de transmettre les fonds et documents du syndicat[8]. L’astreinte prononcée par le juge des référés se révèle souvent être le seul moyen efficace pour obtenir communication des archives manquantes[9]. Le retard ou la réticence du syndic sortant peut entraîner sa condamnation aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance et d’appel[10].
Une mesure similaire à celle de l’article 18-2 de la loi du 10 juillet 1965 a été adoptée par le décret n°2005-240 du 14 mars 2005 relatif aux comptes du syndicat des copropriétaires. En cas de changement de syndic, « les documents comptables et les originaux des pièces justificatives sont transmis au successeur, le syndic sortant prenant ses propres dispositions afin de conserver les copies des pièces justificatives qu’il estime nécessaires pour la justification des opérations comptables qui lui incombaient » (D. 2005, art.6 al.2).
Un nouveau syndic peut avoir intérêt, en cas de difficulté de transmission des pièces et archives détenues par son prédécesseur, à se rapprocher du président du conseil syndical[11].Il prendra soin de vérifier la concordance entre les archives qui lui sont transmises et celles indiquées dans le bordereau qui les accompagne[12].
Un syndic entrant peut être considéré fautif pour ne pas avoir mis en demeure le précédent syndic de lui restituer les archives et les fonds encore en sa possession[13].
Une fois dûment informé des caractéristiques et de la situation juridique de l’immeuble, le syndic entrant pourra – et devra – agir au nom et pour le compte de son mandant. Ainsi, il sera à même de représenter le syndicat en justice pour les instances en cours, l’autorisation d’agir donnée es qualité au syndic précédent se transmettant au nouveau syndic sans qu’il soit besoin de la renouvelée[14]. Il a pu être jugé qu’avait manqué à son devoir de conseil, le nouveau syndic d’une copropriété qui n’avait pas interrompu le délai de prescription décennale alors qu’il avait bénéficié d’un délai suffisant pour prendre connaissance d’un dossier relatif à des désordres affectant l’immeuble et indiquer aux copropriétaires que, sauf meilleur avis de leur part, il allait engager l’action pour laquelle son prédécesseur avait été habilité[15]. A été pareillement condamné in solidum avec le syndic sortant, le nouveau syndic qui n’a pas signalé une erreur dans les modalités de calcul de la rémunération de la gardienne de l’immeuble à compter de son entrée en fonction alors qu’il disposait des éléments lui permettant de s’en apercevoir[16].
B – La liquidation de la gestion de son prédécesseur
La passation de pouvoirs est souvent un moment délicat, surtout lorsque les relations entre le syndicat et l’ancien syndic ont pris fin assez brusquement (démission soudaine, révocation), d’où un défaut de concertation réfléchie entre le syndic sortant et le syndic entrant. Il appartient à ce dernier de liquider la gestion passée.
Plus précisément, il s’agit pour le nouveau syndic d’établir une synthèse comptable à la suite du départ de son prédécesseur afin d’arrêter les comptes des mois ou des années antérieures pour lui permettre de dégager sa responsabilité au regard de l’ancienne gestion et de commencer la sienne sur une base établie de manière transparente, en accord avec la collectivité des copropriétaires. Comme un auteur l’a justement souligné, il n’est pas question d’établir un compte de gestion pour la période comprise entre le début de l’exercice comptable en cours et la fin des fonctions du syndic sortant et un autre compte pour la période allant de l’entrée en fonction du nouveau syndic et la fin de l’exercice en cours[17].
De son côté, l’assemblée générale, parfois spécialement convoquée à cet effet, doit prendre acte d’une situation donnée, constatée au moment où le changement de syndic est intervenu, après avoir eu connaissance des états et bilans établis par le syndic entrant. Cela suppose parfois qu’afin de présenter une situation comptable et financière antérieure à sa prise de fonction, le nouveau syndic soit dans l’obligation de reconstituer, si cela est possible, les comptes de son prédécesseur, notamment s’ils ont été mal tenus, s’ils sont incomplets, voire inexistants.
À cette occasion, la question s’est posée de savoir si le syndic entrant devait respecter les dispositions de l’article 11 du décret du 17 mars 1967 lors de l’envoi des convocations à l’assemblée générale appelée à se prononcer sur la période antérieure à l’arrivée du syndic entrant. Aux termes de ce texte, « sont notifiés au plus tard en même temps que l’ordre du jour : I. – Pour la validité de la décision : 1° L’état financier du syndicat des copropriétaires et son compte de gestion général, lorsque l’assemblée est appelée à approuver les comptes. Ces documents sont présentés avec le comparatif des comptes de l’exercice précédent approuvé ;… ». D’après la jurisprudence, l’article 11 concernant exclusivement l’approbation des comptes de l’exercice écoulé, soit les dépenses et recettes de cet exercice et non celle des exercices antérieurs, fussent-ils écoulés et qui ne le seraient pas, la communication des documents comptables exigée par le décret n’a pas lieu d’être respectée[18]. Cette position est parfaitement justifiée dès lors qu’il ne s’agit pas d’approuver les comptes de gestion de l’ancien syndic lequel n’est pas, la plupart du temps, présent lors de cette assemblée. Par ailleurs, la vérification des comptes de l’ancien syndic par le syndic entrant ne peut tenir lieu d’approbation de ces comptes par l’assemblée générale[19].
Néanmoins, selon la cour d’appel d’Aix-en-Provence, si l’article 11 ne règlemente pas dans le détail les documents comptables requis pour que les copropriétaires puissent les entériner, l’économie de ce texte suppose, à tout le moins, que le syndic qui souhaite faire statuer l’assemblée générale sur la gestion de son prédécesseur, adresse aux membres du syndicat des comptes de recettes et dépenses et des situations de trésorerie distincts portant sur chacune des périodes de gestion des différents syndics. En présence de documents comptables joints aux convocations englobant, sans la moindre distinction, l’exercice d’une année entière. Les juges du fond ont estimé que l’information donnée aux copropriétaires ne leur avait pas permis de faire une différenciation indispensable à un vote éclairé sur des comptes précis arrêtés à des périodes relatives à des gestions séparées, ce qui a entraîné l’annulation de la résolution adoptée en assemblée générale[20].
De surcroît, les prévisions de l’article 11 du décret du 17 mars 1967 doivent être respectées lorsque l’organe délibérant est effectivement appelé à approuver les comptes de l’exercice de l’ancien syndic aux fins de récupérer le solde des comptes des copropriétaires qui n’ont pas réglé leur dettes vis-à-vis de ceux qui les ont réglé[21].
II – Les obligations du syndic entrant
Parmi les textes du statut de la copropriété, certains sont consacrés spécialement au syndic entrant afin de lui imposer des obligations en matière comptable et financière. Ce syndic se voit contraint d’une part, d’ouvrir un compte séparé au nom du syndicat (A) et d’autre part, de faire voter l’assemblée générale sur la constitution de provisions spéciales pour travaux (B).
A – L’ouverture d’un compte séparé
Désormais, l’ouverture d’un compte séparé par le syndic est de droit (1). Il n’en va autrement que dans certaines conditions bien précises (2).
1 – L’ouverture de plein droit d’un compte séparé
Depuis l’intervention de la loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000 (dite SRU), le syndic est chargé d’ouvrir un compte bancaire ou postal séparé au nom du syndicat sur lequel sont versées sans délai toutes les sommes ou valeurs reçues au nom ou pour le compte du syndicat (L. 1965, art. 18 al. 1er, 66ème tiret). On le sait, il s’est agit de prévenir une confusion des patrimoines des syndicats dont le syndic assume la gestion, en interdisant toute compensation entre les fonds appartenant à plusieurs d’entre eux[22]. Le syndic n’a plus à faire délibérer l’assemblée générale sur l’ouverture d’un tel compte, le principe étant sa constitution automatique à la diligence du représentant du syndicat nouvellement désigné[23].
La loi de 1965 a prévu une sanction radicale à l’encontre du syndic qui ne satisfait pas aux prescriptions de l’article 18. En effet, la méconnaissance par le syndic de cette obligation emporte la nullité de plein droit de son mandat à l’expiration du délai de trois mois suivant sa désignation. Les actes qu’il aurait passés avec des tiers de bonne foi demeurent toutefois valables. On comprend alors l’empressement de tout administrateur de biens qui viendrait à être désigné syndic, à entreprendre les démarches auprès de la banque ou de la poste dans le but d’ouvrir un compte séparé.
Au demeurant, le syndic entrant peut parfois être exempté de cette formalité substantielle.
2 – La dispense d’ouverture d’un compte séparé
D’après l’article 18 alinéa 1er, 6ème tiret, l’assemblée générale peut décider de ne pas ouvrir un compte séparé, à la majorité de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965 (majorité absolue des voix du syndicat) et, le cas échéant, de l’article 25-1 de la même loi (second vote à la majorité simple). Il n’en va ainsi que lorsque l’immeuble est administré par un syndic soumis aux dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce ou par un syndic dont l’activité est soumise à une réglementation professionnelle organisant le maniement des fonds du syndicat. En d’autres termes, si le syndic entrant de l’immeuble se trouve être un bénévole, il ne peut bénéficier de cette dispense légale.
Depuis le décret n°2004-479 du 27 mai 2004 pris en application de la loi SRU, lorsqu’elle est adoptée, la décision par laquelle l’assemblée générale dispense le syndic de l’obligation d’ouvrir un compte bancaire ou postal séparé au nom du syndicat fixe la durée pour laquelle la dispense est donnée (D. 1967, art. 29-1 al. 1er). Mais, si cette dispense est renouvelable, elle ne peut bénéficier au syndic entrant puisqu’elle prend fin de plein droit en cas de désignation d’un autre syndic que celui qui l’avait sollicité (D. 1967, art. 29-1 al. 2). Dès lors, si le nouveau syndic est en mesure de demander à l’assemblée générale une exemption d’ouverture d’un compte séparé, c’est-à-dire s’il s’agit d’un professionnel, il lui faudra convoquer cette assemblée dans les trois mois de sa désignation de manière qu’elle lui octroie personnellement la dispense qu’elle avait déjà accordée à son prédécesseur[24].
B – Le vote sur la constitution de provisions spéciales pour travaux
La lecture de l’article 18 alinéa 1er, 5ème tiret de la loi du 10 juillet 1965 nous apprend que le syndic est chargé de soumettre, lors de sa première désignation et au moins tous les trois ans, au vote de l’assemblée générale la décision de constituer des provisions spéciales en vue de faire face aux travaux d’entretien ou de conservation des parties communes et des éléments d’équipement communs, susceptibles d’être nécessaires dans les trois années à échoir et non encore décidés par l’assemblée générale. Cette décision est prise à la majorité mentionnée à l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965.
Le texte sus-visé oblige donc le syndic entrant à faire statuer l’assemblée générale sur la constitution de provisions pour certains travaux (1), ce qui n’est pas sans poser plusieurs interrogations concrètes au nouveau syndic (2).
1 – Les travaux concernés
Comme l’indique l’article 18 de la loi de 1965, la consultation de l’assemblée générale doit porter sur des provisions destinées à des « travaux d’entretien ou de conservation des parties communes et des éléments d’équipement communs, susceptibles d’être nécessaires dans les trois années à échoir et non encore décidés par l’assemblée générale. »
– La nature des travaux est clairement spécifiée. Le syndic entrant ne peut solliciter la création de provisions que pour financer des travaux d’entretien ou de conservation, à l’image des travaux de remplacement ou de restauration de parties communes ou d’éléments d’équipement communs, de nettoyage ou de contrôle de ces parties ou éléments, de ravalement des façades ou encore de réfection de l’étanchéité des balcons ou de la toiture. Autrement dit, des travaux qui relèvent de la gestion de l’immeuble « en bon père de famille »[25]. En aucun cas, la budgétisation de travaux constituant une amélioration ne pourra être prévue par le biais de l’article 18 alinéa 1er, 5ème tiret de la loi de 1965.
– Les travaux en question doivent s’avérer nécessaires. La démarche du syndic entrant s’inscrit dans le temps puisqu’il lui est demandé d’évaluer dans quelle mesure des travaux vont devoir être exécutés dans le cadre de la copropriété. Cette appréciation prévisionnelle sera d’autant plus délicate, en l’occurrence, que le syndic ne connaît généralement pas l’immeuble.
– Enfin, il doit s’agir non seulement de travaux futurs, mais aussi de travaux n’ayant pas encore été arrêtés par une décision d’assemblée générale. Cependant, ces travaux pourraient avoir fait l’objet d’une décision de principe, dépourvue d’efficacité juridique, sans que leur exécution ait été encore décidée[26].
2 – Les difficultés rencontrées par le syndic entrant
Si l’on comprend aisément les raisons qui ont conduit le législateur à imposer au syndic une telle obligation, cela n’en génère pas moins d’importantes incertitudes pour le syndic, en particulier lorsqu’il vient d’être désigné à ce poste. Comme nous soulignions précédemment, n’ayant pas encore pu véritablement se familiariser avec les données de la copropriété, le syndic entrant sera souvent dans l’incapacité d’appréhender, à lui seul, les travaux susceptibles d’être envisagés dans un avenir plus ou moins lointain. Il a alors tout intérêt à s’adjoindre les conseils d’un professionnel, à savoir le plus souvent un architecte, qui aura pour mission à la fois de définir la teneur comme l’importance des travaux à venir et de proposer une évaluation, au moins approximative, des interventions sur l’immeuble, ce qui permettra dans un second temps au syndic entrant de déterminer le montant des provisions à solliciter des copropriétaires. La concertation avec l’architecte donnera lieu à un rapport présenté à l’assemblée générale sur la base duquel une ou plusieurs questions seront soumises aux copropriétaires pour décider si, oui ou non, le vote de provisions spéciales sera entériné.
À ce titre, alors que la proposition d’adoption de provisions spéciales est une exigence légale pour le syndic entrant, elle ne débouchera pas nécessairement sur le vote d’une résolution décidant la constitution de ces provisions. Si obligation de résultat il y a, elle porte uniquement sur la soumission à l’assemblée générale du vote de provisions spéciales et non sur la nécessité de faire adopter celles-ci. De ce point de vue, l’assemblée générale est souveraine en la matière.
En revanche, en prévision de la décision de l’assemblée générale entérinant la constitution de provisions spéciales pour travaux, le syndic entrant doit également porter à l’ordre du jour le placement des fonds recueillis et l’affectation des intérêts produits par ce placement (cf. D. 1967, art. 35-1).
Ceci étant, le vote obtenu à la suite des démarches du syndic devra, par la suite, donner lieu à un vote sur l’acceptation d’un devis en vu de faire exécuter les travaux dont le principe avait été envisagé. Certains auteurs conseillent de surcroît au syndic entrant de prévoir le sort des provisions spéciales dans l’hypothèse où, finalement, les travaux ne seraient pas réalisés[27].
par Jean-Marc ROUX
Maître de conférences à l’Université Paul Cézanne
[1] « Le contrat de mandat du syndic fixe sa durée, sa date de prise d’effet ainsi que les éléments de détermination de la rémunération du syndic. » D. 1967, art. 29 al. 1er.
[2] Sur ce point, Givord, Giverdon et Capoulade, La copropriété, Dalloz Action 2006/2007, 6ème éd., n°903, p.430 et 431. L’acceptation de son mandat met d’ailleurs fin de plein droit aux fonctions du syndic désigné par le président du tribunal (D. 1967, art. 46 al. 4) et à celles de l’administrateur provisoire du syndicat (D. 1967, art. 47 al. 2).
[3] V. 10ème recommandation de la Commission relative à la copropriété portant sur les remises de documents techniques au syndic, JCP N 1993, prat. 2739.
[4] Cass. 3e civ., 10 octobre 1990, Loyers et copr. 1990, n°493.
[5] Mantelet, Les archives du syndicat des copropriétaires, Administrer Juillet 1997, p.15 et s.
[6] Roux, Transmission des documents et archives du syndicat des copropriétaires, Constr.-Urb., mai 2005, p.7.
[7] Versailles, 20 septembre 1991, Administrer Février 1992, p.61.
[8] Paris, 17 décembre 1993, Loyers et copr. 1994, n°215.
[9] Paris, 9 octobre 1992, Loyers et copr. 1993, n°116; Paris, 23 mai 2001, Loyers et copr. 2002, n°22.
[10] Paris, 4 novembre 2005, AJDI 2006, p.387, 1er arrêt, note Capoulade.
[11] Commission relative à la copropriété, 20ème recommandation concernant les archives du syndicat des copropriétaires, JCP N 1999, p.711.
[12] Commission relative à la copropriété, 20ème recommandation, précitée.
[13] Paris, 4 février 1986, Juris-Data n°1986-020904.
[14] Cass. 3e civ., 6 décembre 2006, Administrer février 2007, p.46, obs. Bouyeure, Loyers et copr. 2007, n°37, obs. Vigneron, Rev. Loyers 2007, p.99, obs. Gélinet.
[15] Paris, 29 janvier 2004, Loyers et copr. 2004, n°99.
[16] Paris, 24 janvier 1989, Juris-Data n°1989-020201.
[17] Laporte, La nouvelle comptabilité de la copropriété, éd. Delmas 2007, 1ère éd., p.113.
[18] Paris, 4 juillet 1984, D. 1984, som. com. p.407, obs. Giverdon ; Paris, 15 octobre 1990, D. 1990, IR, p.274.
[19] Paris, 21 novembre 2002, Juris-Data n°2002-194922.
[20] Aix-en-Provence, 6 mai 1997, Juris-Data n°1997-044437.
[21] Paris, 10 novembre 1995, Loyers et copr. 1996, n°183.
[22] V. à ce propos, Vigneron, L’ouverture du compte bancaire ou postal séparé depuis la loi du 13 décembre 2000, Loyers et copr. mars 2002, Etudes, p.4.
[23] Versailles, 20 septembre 2004, cité par Rocher, Administrer janvier 2003, chron., p.20.
[24] La Commission relative à la copropriété recommande au syndic – entrant – d’examiner avec le conseil syndical s’il y a lieu de porter à l’ordre du jour de l’assemblée générale une question sur la décision de ne pas ouvrir un compte séparé, étant précisé qu’à défaut, le syndic a l’obligation d’ouvrir un compte séparé ; et, le cas échéant, de libeller ainsi la question de l’ordre du jour : « dispense d’ouvrir un compte bancaire ou postal séparé au nom du syndicat », et de rédiger ainsi le projet de résolution : « L’assemblée générale dispense le syndic de l’obligation d’ouvrir un compte bancaire ou postal séparé au nom du syndicat » : 22ème recommandation de la Commission relative à la copropriété, JCP N 2001, n°48, p.1740.
[25] Bouyeure, Les travaux dans la copropriété, Sirey 1989, n°11, p.6.
[26] Lafond et Stemmer, Code de la copropriété, Litec 12ème éd. 2008, L. 1965, art. 18, note (56), p.189.
[27] Lafond et Stemmer, op. et loc. cit.
[1] Roux, Le syndic sortant, Administrer février 2007, p.11.