Article 2 de la loi du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance :
L’article 2 de la loi du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance introduit dans le Code des relations entre le public et l’administration ce qu’il est convenu d’appeler le « droit à l’erreur », au bénéfice des particuliers et des entreprises.
Aux termes de l’article L.123-1, al.1 de ce Code, « une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l’objet, de la part de l’administration, d’une sanction, pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d’une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l’administration dans le délai que celle-ci lui a indiqué ».
Bien entendu, il ne s’agit pas de favoriser la mauvaise foi ou d’éradiquer toute idée de sanction. D’une part, ce texte ne s’applique pas « en cas de mauvaise foi ou de fraude » (art. L.123-1, al.2 du CRPA).
D’autre part, il ne s’applique pas aux sanctions civiles ou pénales, mais seulement aux sanctions administratives, et à condition qu’elles soient susceptibles de régularisation, ce qui exclut les retards et omissions de déclaration dans les délais prescrits par un texte (exposé des motifs ; V. C. Barrillon, Droit à l’erreur : il ne faut pas s’y tromper !, Lettre CREDA-Sociétés n° 2018-14 du 26 septembre 2018).
Enfin, il ne s’applique pas aux sanctions requises pour la mise en œuvre du droit de l’Union européenne, à celles prononcées en cas de méconnaissance des règles préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l’environnement, à celles prévues par un contrat, ou encore aux sanctions prononcées par les autorités de régulation à l’égard des professionnels soumis à leur contrôle (art. L.123-1, al.3 du CRPA).
Même si l’on peut penser à juste titre que ce texte ne trouvera pas souvent à s’appliquer en droit des sociétés (C. Barrillon, art. préc.), il n’en marque pas moins une évolution culturelle qui rejoint les débats doctrinaux tendant à dissocier la notion d’inexécution de celle de faute.
Il traduit aussi une autre conception de l’erreur et peut-être même une autre conception de la nature humaine, revenant ainsi sur la description du « bad man » du juge américain Holmes : « if you want to know the law… you must look at it as a bad man, who cares only for the material consequences which such knowledge allows him to predict, and not as a good one … » (L. Stout, Cultivating conscience, How Good Laws Make Good People, Princeton University Press, 2011, spéc. p. 24).
Car, sans pour autant tomber dans une béatitude naïve, force est d’observer que les comportements humains donnent aussi lieu à un altruisme et une générosité admirables, sous l’action d’une conscience morale, d’une exemplarité, d’une vertu que le législateur peut contribuer à favoriser.
Comme l’explique L. Stout, « Conscience exists. It is both a powerful force, and an endemic one. It can be destroyed, to our collective loss. But conscience can also be cultivated. Law plays a vital part in that process » (op. cit., spéc. p. 254).
Penser que la nature humaine n’est pas mauvaise mais perfectible, conformément à la tradition européenne, mais qu’elle est aussi fragile (M. Benasayag, La fragilité, éd. La découverte, 2007) et imparfaite, c’est peut-être un premier pas vers une société plus compréhensive et tolérante.
Annabel QUIN,
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocat au Barreau de Paris
Mise en ligne: 16/10/2018