Article L.612-3 du Code de l’education :
Si le code source de la plateforme nationale Parcoursup a été ouvert en mai 2018, il n’en est en revanche pas de même en ce qui concerne ceux utilisés par les établissements d’enseignement supérieur.
Le Ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (ESRI) a même semblé s’y opposer puisqu’il indiquait, dans le cahier des charges de Parcoursup, que « ces algorithmes conçus à la demande des commissions d’examen des candidatures (…) sont protégés par le secret des délibérations ».
C’est d’ailleurs « afin de garantir la nécessaire protection du secret des délibérations » que l’article L.612-3 du Code de l’éducation a prévu, au profit des établissements d’enseignement supérieur, un régime dérogatoire aux obligations posées par les articles L.311-3-1 et L.312-1-3 du CRPA (A.Quin, Les algorithmes de Parcoursup sont-ils des documents communicables, Blog d’Altajuris International).
Certes, on peut estimer que cette dérogation n’est pas justifiée dès lors que la communication des sous-jacents de l’algorithme ne porte pas atteinte au secret des délibérations.
la publication des critères utilisés par l’algorithme ne porte pas atteinte aux principes de souveraineté du jury et du secret de ses délibérations
C’est ce qu’expose le Défenseur des droits lorsqu’il affirme que la publication des critères utilisés par l’algorithme « ne porte pas atteinte aux principes de souveraineté du jury et du secret de ses délibérations, étant donné qu’il ne vise pas à dévoiler le contenu de l’appréciation portée sur chaque candidature mais uniquement les critères pris en compte dans cette appréciation ainsi que leur méthode d’application ».
Cela avait conduit le Défenseur des droits à inviter les administrations concernées à rendre publiques « toutes les informations relatives au traitement, y compris algorithmique, et à l’évaluation des dossiers des candidats (…) afin d’assurer la transparence de la procédure et de permettre aux candidats d’effectuer leurs choix en toute connaissance de cause » (X.Berne, Le Défenseur des droits réclame plus de transparence sur les algorithmes de Parcoursup, Nextinpact, 23 janvier 2019).
De même, le tribunal administratif de Guadeloupe a considéré que la communication « des traitements algorithmiques sollicités ne porte pas atteinte au secret des délibérations (…) puisque cette communication ne portera que sur la nature des critères pris en compte pour l’examen des candidatures, leur pondération et leur hiérarchisation, et non sur l’appréciation portée par la commission sur les mérites de chacune de ces candidatures » (TA Guadeloupe, 4 février 2019, n° 1801094).
Cependant, si l’on peut se féliciter que l’opportunité d’un texte de loi soit débattue (Comp. P.Bourdieu, La force du droit, envoyé par L.Israël, éd. La Sorbonne, 2017), il n’appartient en revanche pas au juge (ni à une autorité administrative même indépendante) de réécrire la loi et d’écarter la dérogation qu’elle a posé à l’obligation de communication, au motif qu’elle serait inadaptée à l’objectif de protection du secret des délibérations.
Dès lors, même si l’on peut partager ce point de vue critique, il ne fait guère de doute que le juge administratif a en l’espèce outrepassé ses pouvoirs.
Annabel QUIN,
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocat au Barreau de Paris
Mise en ligne: 04/03/2019