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Réglementation des services en ligne proposant des modes de règlement alternatif des différends : les apports de la loi du 23 mars 2019 de réforme pour la justice


25 avril 2019
Par Annabel QUIN
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocat au Barreau de Paris



Conformément à l’idée suivant laquelle les plateformes ne doivent pas être réglementées de façon générale, mais en fonction des services qu’elles proposent, l’article 4 de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice vient encadrer les plateformes proposant des prestations de conciliation, de médiation, ou d’arbitrage, gratuitement ou de manière rémunérée.

Les personnes (physiques ou morales) qui proposent de tels services sont tenues d’un ensemble d’obligations figurant désormais aux articles 4-1 et suivants de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

En premier lieu, elles sont soumises, sauf accord des parties, à une obligation de confidentialité, ainsi qu’à une obligation d’information détaillée sur les modalités selon lesquelles la résolution amiable est réalisée ou l’arbitrage rendu (art. 4-1 pour les services de conciliation ou de médiation ; art. 4-2 pour les services d’arbitrage).

En deuxième lieu et conformément à l’article 22 du RGPD, ces services ne peuvent avoir pour seul fondement un traitement algorithmique ou automatisé de données à caractère personnel (art.4-4).

Cependant, il est possible d’y recourir à condition de respecter les obligations suivantes.

D’une part, une mention explicite doit en informer les parties et celles-ci doivent y consentir expressément.

D’autre part, le responsable de traitement est soumis à des obligations d’information en vertu desquelles il doit :

  • être en mesure de communiquer à toute partie qui en fait la demande les règles définissant ce traitement ainsi que les principales caractéristiques de sa mise en œuvre ;
  • s’assurer de la maîtrise du traitement et de ses évolutions afin de pouvoir expliquer à la partie qui en fait la demande, en détail et sous une forme intelligible, la manière dont le traitement a été mis en œuvre à son égard.

On retrouve ici le mécanisme imposé aux administrations qui recourent à un traitement algorithmique pour prendre une décision (art. L.311-3-1 du CRPA).

Or, le texte réglementaire les concernant, à savoir le décret du 14 mars 2017, est venu apporter quelques précisions dont pourraient s’inspirer les plateformes proposant des prestations de règlement amiable des différends.

Ainsi, il est indiqué que la mention explicite doit indiquer la finalité poursuivie par le traitement algorithmique et rappeler le droit d’obtenir la communication des règles définissant ce traitement et des principales caractéristiques de sa mise en œuvre, ainsi que les modalités d’exercice de ce droit à communication (art. R.311-3-1-1 du CRPA).

De plus, lorsqu’une décision est prise, l’administration est tenue de communiquer, à la personne concernée qui en fait la demande, les éléments suivants : le degré et le mode de contribution du traitement algorithmique à la prise de décision ; les données traitées et leurs sources ; les paramètres de traitement et, le cas échéant, leur pondération, appliquée à la situation de l’intéressé ; les opérations effectuées par le traitement (art. R.311-3-1-2 du CRPA).  

Ces différentes obligations devraient inciter au développement d’algorithmes explicables, mais aussi à un affinement de nos raisonnements et argumentations, afin d’éviter le plus possible les biais discriminants. 

En troisième lieu, les personnes physiques ou morales qui proposent de tels services doivent accomplir leur mission « avec impartialité, indépendance, compétence et diligence » (art. 4-6) et sont soumises au secret professionnel (dont les atteintes sont réprimées par l’article 226-13 du Code pénal).

Enfin et en dernier lieu, le respect des différentes exigences posées par les articles 4-1 à 4-6 sus-énoncées permet aux services de conciliation ou de médiation, comme aux services d’arbitrage, de bénéficier d’une certification accordée par un organisme accrédité dans des conditions qui seront précisées par décret en Conseil d’Etat (art.4-7).

On ne peut que se réjouir de la professionnalisation de ces plateformes (T.Andrieu et N.Fricero : « La certification des plateformes proposant des conciliations, médiations ou arbitrages en ligne devrait contribuer à créer un climat de confiance », par G. Marraud des Grottes, Lamy-Actualités du droit, 15 octobre 2018) comme du développement de celles-ci par des professionnels du droit, comme le montrent les huissiers ou, plus récemment, les avocats (A.Dumourier, Le CNB lance une plateforme nationale de résolution amiable des différends, Le Monde du Droit, 25 juin 2018).

L’objectif est en effet que ces plateformes ne soient pas des sortes de « services après-vente » intégrés par les distributeurs, mais un véritable service de résolution de conflit. Or, comme le rappelle T. Andrieu, « le « service réclamation » d’un opérateur n’est pas une plateforme de conciliation, médiation ou arbitrage » (T.Andrieu et N.Fricero, art. préc.).

La certification est censée y veiller…

 

 

 

 





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