La loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 a créé le statut d’autoentrepreneur, qui permet à une personne physique qui exerce à titre individuel de bénéficier notamment de mesures d’allègement des charges sociales et fiscales. Celle-ci était même dispensée de l’obligation de s’immatriculer au Registre du commerce et des sociétés (RCS) avant que la loi du 18 juin 2014 ne supprime cette dérogation (ancien article L.123-1-1 du Code de commerce).
Ce statut a eu un vif succès puisqu’on dénombre aujourd’hui environ un million d’autoentrepreneurs. Il a toutefois été critiqué au motif qu’il pourrait constituer un moyen pour les entreprises de se détourner du contrat de travail au profit de relations commerciales avec des autoentrepreneurs.
Pourtant, les statuts d’autoentrepreneur et de salarié sont bien distincts : le premier est un prestataire de services indépendant tandis que le second est lié à l’employeur par un lien de subordination. Par conséquent, si le prétendu autoentrepreneur est en réalité lié par un lien de subordination, il convient de requalifier son contrat en contrat de travail.
C’est ce qui ressort de l’arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 6 mai 2015. En l’espèce, un agent commercial, sous le statut d’autoentrepreneur, demandait à bénéficier du statut de salarié et avait saisi à cette fin le Conseil des Prud’hommes puis la Cour d’appel. Cette dernière avait estimé qu’il n’établissait pas l’existence d’un lien de subordination dès lors qu’il adressait des factures à son cocontractant et qu’il avait pu refuser d’assister à une foire exposition.
Cette décision est censurée par la Cour de cassation, qui estime que la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations. Elle avait en effet relevé de nombreux éléments qui pouvaient laisser accroire à l’existence d’un lien de subordination : l’intéressé avait travaillé dans le respect d’un planning quotidien précis établi par son cocontractant, il était tenu d’assister à des entretiens individuels et à des réunions commerciales, son cocontractant lui avait assigné des objectifs de chiffre d’affaire annuel et il lui était imposé, en des termes acerbes et critiques, de passer les ventes selon une procédure déterminée sous peine que celles-ci soient refusées.
Comme le résume le professeur Bruno Dondéro, « si celui qui intervient pour le compte d’une entreprise n’est pas indépendant dans l’organisation de son activité, il n’est pas un autoentrepreneur. L’entreprise peut imposer à ses prestataires des « cahiers des charges », mais elle ne peut pas régler chaque minute de leur temps » (B.Dondéro, L’auto-entrepreneur intégré à la société cliente est son salarié (Cass. Soc., 6 mai 2015, n° 13-27535).
Annabel QUIN
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocate au Barreau de Paris
Mise en ligne : 01/06/2015