- civ. 2e, 10 juin 2021, n°20-10522
La notion de « cause étrangère » n’a pas été reprise par l’ordonnance du 10 février 2016 ayant réformé le droit des contrats au titre des causes d’exonération en matière contractuelle. Elle ne figure dès lors plus dans le Code civil (voir ancien art. 1147 du Code civil).
Pour autant, cette notion n’a pas disparu de notre droit positif puisqu’on la retrouve au sein du Code de procédure civile. L’article 930-1 relatif à la procédure avec représentation obligatoire devant la cour d’appel en fait notamment mention.
Ce texte prévoit qu’à « peine d’irrecevabilité relevée d’office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique.
Lorsqu’un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l’accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe ou lui est adressé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ».
La cause étrangère constitue ainsi un motif permettant d’échapper à l’irrecevabilité d’un acte de procédure qui n’aurait pas été remis par voie électronique.
Quels évènements sont alors susceptibles de recevoir la qualification de « cause étrangère » au sens de cet article ?
La loi étant muette sur la question, la jurisprudence était donc appelée à prendre le relais. À ce titre, une décision du 10 juin dernier rendue par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation apporte d’intéressantes précisions en optant pour une conception moins restrictive de la cause étrangère que celle qu’avaient retenue les juges du fond.
Au cœur de ce contentieux se trouvait une déclaration d’appel réalisée par l’avocat d’un bailleur dans le cadre d’un litige relatif à un bail commercial.
La déclaration permettant de saisir une cour d’appel de renvoi fait partie des actes devant, à peine d’irrecevabilité, être effectués par voie électronique.
L’avocat du bailleur n’avait cependant pas pu se conformer à cette modalité de transmission du fait d’une panne informatique qu’il n’avait pu résoudre qu’après la longue intervention d’un technicien. Dans ce contexte, l’avocat appelant estima qu’il était confronté à « une cause étrangère » au sens de l’alinéa 2 de l’article 930-1 du Code de procédure civile, l’autorisant à déposer la déclaration d’appel sous format papier. Ce qu’il fit donc.
Le bailleur contestait devant la Cour de cassation l’irrecevabilité de la saisine de la cour d’appel de renvoi telle qu’elle avait été retenue par la Cour d’appel de Saint-Denis au motif qu’il n’était pas démontré que le demandeur ait été « dans l’impossibilité d’avoir accès au réseau professionnel virtuel des avocats, dès lors qu’il n’est fait état d’aucune panne affectant sa clé RPVA, laquelle pouvait être utilisée sur tout autre poste informatique disposant d’un accès internet, notamment à l’ordre des avocats ou dans un cabinet d’un de ses confrères qu’il ne prétend pas même avoir sollicités ».
Dans la décision du 10 juin, la deuxième chambre civile revient sur cette solution en estimant que les juges du fond ont violé l’article 930-1 du Code de procédure civile dès lors qu’il avait été constaté que « le conseil de la société X justifiait que la société Y était intervenue durant trois jours, (…) aux fins de rechercher la panne touchant son matériel informatique, laquelle rendait impossible la navigation sur internet et avait pour origine la défectuosité du câble RJ 11 de la live box (…) ».
Si la solution rendue a le mérite d’être claire sur le cas spécifique de la panne informatique – qui constitue donc une cause étrangère au sens de l’article 930-1 du CPC – cette décision reste cependant factuelle et n’apporte toujours pas de précision quant à la définition des caractéristiques de la cause étrangère au sens du Code de procédure civile.