Sept ans après avoir été consacré au niveau national par la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, le devoir de vigilance dispose désormais d’un fondement européen. Plus de deux ans après la publication d’une proposition par la Commission européenne, la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité a en effet été publiée au journal officiel de l’Union européenne le 5 juillet dernier.
Son processus d’adoption n’eut rien d’un long fleuve tranquille. Grignotée dans son contenu, un temps en passe d’être abandonnée, elle a finalement vu le jour.
Pourquoi l’adoption fut-elle si ardue ? La crainte majeure générée par ce texte est celle d’une perte de compétitivité des entreprises européennes du fait des obligations qu’il impose. Il est en effet incontestable que le devoir de vigilance, figure de proue de la responsabilité sociale des entreprises et de la compliance, dont le contenu est inspiré de la loi française, est une source d’obligations nouvelles pour les entreprises concernées.
À l’instar de la loi française codifiée aux articles L. 225-102-4 et s. du Code de commerce., l’objectif de la directive est de contraindre les entreprises d’une certaine dimension à identifier et à limiter les risques potentiels ou réels générés par leur activité sur les droits de l’homme et l’environnement. Cette vigilance – et c’est l’objectif même de ce devoir – doit s’exercer au-delà du périmètre de la société mère et de ses filiales pour s’étendre à toute la chaîne d’activité, selon le vocable consacré, cela incluant les partenaires en amont et en aval de l’entreprise. Formellement, ce devoir de vigilance se concrétise par l’obligation de concevoir, d’adopter et de publier « un plan de vigilance », dont le contenu est largement détaillé dans la directive européenne.
Bien que considérablement réduit par rapport à la version initiale du texte, le champ d’application du devoir européen de vigilance s’avère plus large que celui actuellement prévu dans le Code de commerce, qui ne vise que les sociétés dont le siège social se situe en France et emploient, au minimum au sein du groupe, 5.000 salariés. Avec la directive, pour les entreprises ayant leur siège au sein de l’Union européenne, le seuil salarial est abaissé à 1.000 salariés et est couplé avec un seuil tenant au chiffre d’affaires de l’entreprise (plus de 450 millions d’euros de CA annuel au niveau mondial). Ajoutons, et cela constitue une nouveauté par rapport au texte français, que lorsqu’elles excèdent un certain niveau de chiffre d’affaires, des entreprises n’ayant pas leur siège au sein de l’Union européenne seront soumises au devoir de vigilance.
L’arsenal des sanctions est également étoffé. En sus de la responsabilité civile, la directive oblige à la désignation d’une autorité de contrôle, dotée d’un pouvoir de sanction administrative, afin de s’assurer du respect des obligations prévues par le texte.
L’élargissement du champ d’application du devoir de vigilance, son approfondissement substantiel, et l’accroissement des sanctions conduiront à une modification du dispositif existant en matière de vigilance. Le texte européen adopté, c’est maintenant vers le texte de transposition que tous les regards vont se tourner !