Les GIEE (groupements d’intérêt économique et environnemental) traduisent-ils une nouvelle approche du droit de l’environnement ? Souvent accusé d’être pensé sur un modèle défensif (celui de la contrainte), celui-ci pourrait, à partir d’une prise en compte de la complexité des objectifs poursuivis, être re-pensé sur un modèle plus dynamique et coopératif.
Cela pourrait être l’objectif poursuivi par la loi du 14 octobre dernier qui a créé les groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE) dans le domaine agricole notamment[1]. Ces groupements présentent les caractéristiques suivantes :
- Ils réunissent plusieurs exploitants agricoles, qui doivent détenir la majorité des voix au sein de cette structure (laquelle peut comporter d’autres personnes, physiques ou morales, privées ou publiques) (art. L.315-1 du Code rural et de la pêche maritime)
- Ils visent à réaliser un projet pluriannuel de modification ou de consolidation des systèmes ou modes de production agricole et des pratiques agronomiques des exploitants membres, en visant une performance à la fois économique, sociale et environnementale
- La qualité de GIEE est accordée par le représentant de l’Etat dans la région, après avis du président du conseil régional, et pour la durée du projet pluriannuel.
Trois éléments retiendront ici notre attention.
D’une part, le GIEE doit permettre, par un recours à l’agroécologie, d’améliorer les performances en matière économique, sociale[2] et environnementale. Cette amélioration doit être recherchée notamment par des innovations technique, organisationnelle ou sociale et l’expérimentation agricoles. Le GIEE doit également favoriser la diffusion de ses « bonnes pratiques » en permettant le regroupement, la diffusion et la réutilisation des résultats obtenus (art.L.315-2, 4°).
D’autre part, le GIEE se présente comme une structure de réorganisation régionale de l’agriculture. En effet, il doit réunir des exploitations « sur un territoire cohérent favorisant des synergies » et répondre aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux de ce territoire tels qu’identifiés dans le plan régional de l’agriculture durable, « en cohérence avec les projets locaux de développement territorial existants » (art.L.315-2). Toutefois, cette coordination régionale intervient aussi en lien avec l’Etat (cf. art.L.315-3).
Enfin, on relèvera avec intérêt que les échanges entre agriculteurs membres du GIEE relèvent du régime de l’entraide prévu par l’article L. 325-1, y compris lorsqu’ils portent sur des semences « n’appartenant pas à une variété protégée par un certificat d’obtention végétale et produits sur une exploitation hors de tout contrat de multiplication de semences[3] ou de plants destinés à être commercialisés » (art.L.315-5). Autrement dit, ces structures pourront accueillir l’échange non-commercial de semences de ferme, validant ainsi une pratique ancestrale qui a permis des améliorations significatives de la qualité des semences et de leur adaptation à leur territoire, tout en assurant l’autonomie des agriculteurs (qui constitue aussi l’un des objectifs de la politique agricole).
[1] Sur le GIEE forestier, V. l’art.69 de la nouvelle loi ou les nouveaux articles L.332-7 et suiv. du Code forestier.
[2] La performance sociale est définie comme l’amélioration des conditions de travail des membres du groupement et de leurs salariés, le développement de l’emploi ou la lutte contre l’isolement en milieu rural (art. L.315-1).
[3] Sur ces contrats, voir http://www.centre.chambagri.fr/fileadmin/documents/CRA_Centre/Filieres/Semences/2013/Forum/2-Pr%C3%A9sentation_fnams_forum_2013_ProductionSemences_diaporama2.pdf
Annabel QUIN
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocate au Barreau de Paris
Mise en ligne : 17/11/2014