Dans sa jurisprudence du 28 octobre 2015, la 1ère chambre Civile de la Cour de Cassation a considéré que l’hypothèque judiciaire pouvait exister dès le jugement de condamnation.
Les faits de l’espèce sont les suivants : le 12 juin 2001, un notaire a reçu une vente par acte authentique. Le 22 juillet suivant, l’un des créanciers du vendeur a inscrit une hypothèque judiciaire résultant d’un jugement précédent. Le 7 août le notaire publie la vente à la publicité foncière. Cette publication arrive cependant trop tard et le créancier est parvenu à saisir les mains entre les mains de l’acheteur. Le notaire a ensuite été condamné à indemniser l’acheteur. Le litige portait sur le recours subrogatoire du notaire.
Le notaire estimait qu’il avait payé la dette du vendeur, tenu à la garantie d’éviction. Le problème était de savoir si le trouble subi par l’acheteur relevait bien de la garantie d’éviction.
Certes, il ne fait pas de doute que la garantie d’éviction s’applique aux hypothèques. Mais le problème était de savoir si ce trouble existait au moment de la vente, alors que l’hypothèque a été prise postérieurement. Autrement dit, quelle était la date de naissance de l’hypothèque judiciaire ? Pour retenir la responsabilité du vendeur sur le fondement de la garantie d’éviction, et en conséquence le recours du notaire sur le fondement de la subrogation, la Cour de cassation (Cass. Civ. I, 28 octobre 2015, n°14-15114) décide que l’hypothèque judiciaire existe dès le jugement de condamnation.
La formule apparaît malheureuse. En quoi consisterait ce droit réel qui ne serait pas opposable à tous mais seulement au créancier jusqu’à l’inscription hypothécaire ? « Pour éviter un tel paradoxe, il faut comprendre la motivation de l’arrêt de façon moins radicale : il suffisait que le risque d’inscription existe de façon suffisamment significative avant la vente [pour que soit retenue la garantie d’éviction du vendeur] » (F. Rouvière, Garantie d’éviction face à la date de naissance de l’hypothèque, L’essentiel droit de l’immobilier et urbanisme, décembre 2015).
Annabel QUIN,
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocat au Barreau de Paris
Mise en ligne: 06/01/2016