Un tel recours est désormais admis contre des avis présentant un caractère impératif ou contre des recommandations dès lors qu’elles peuvent être prises en compte par de nombreux acteurs.
En principe, le recours pour excès de pouvoir n’est pas ouvert contre les actes ne faisant pas grief (car non décisoires), ce qui est le cas des actes relevant du droit « souple » tel que des recommandations, avis, etc.
Toutefois, la jurisprudence a apporté des tempéraments à ce principe en admettant un tel recours contre des avis présentant un caractère impératif (CE, 11 octobre 2012, n° 357193) ou bien contre des recommandations, même ne présentant pas de caractère impératif, dès lors qu’elles peuvent être prises en compte par de nombreux acteurs (CE, 27 avril 2011, n° 334396).
Deux arrêts du Conseil d’Etat rendus le 21 mars 2016 (Société Fairvesta International GMBH et autres, n° 368082; Société NC Numéricable, n° 390023) affirment, dans un considérant identique, que les avis, recommandations, mises en garde et prises de position adoptés par les autorités de régulation dans l’exercice des missions dont elles sont investies, peuvent être déférés au juge de l’excès de pouvoir dans deux séries d’hypothèses :
- D’une part, « lorsqu’ils revêtent le caractère de dispositions générales et impératives ou lorsqu’ils énoncent des prescriptions individuelles dont ces autorités pourraient ultérieurement censurer la méconnaissance », ce qui confirme la jurisprudence antérieure.
- D’autre part, « lorsqu’ils sont de nature à produire des effets notables, notamment de nature économique, ou ont pour objet d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles ils s’adressent ». Cette solution, nouvelle, impose aux requérants de démontrer qu’ils ont un intérêt à agir direct et certain.
Cette solution jurisprudentielle « est tout à fait justifiée car les actes de « droit souple » ne sont pas neutres ou anodins pour leurs destinataires et plus généralement pour les opérateurs économiques. (…) Les autorités de régulation devront donc veiller à rédiger très attentivement leurs prises de position, communiqués et autres formes d’expression relevant du « droit souple » » (K. Deckert, L’assouplissement jurisprudentiel de la recevabilité des recours à l’encontre des actes relevant du « droit souple » émis par les autorités de régulation, Lettre CREDA – Sociétés, n° 2016-15, 18 avril 2016).
Annabel QUIN,
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocat au Barreau de Paris
Mise en ligne: 06/06/2016