Tempête Xynthia. La décentralisation n’a pas fini de montrer les dangers qu’elle est susceptible de receler. C’est en tout cas ce qu’apprennent lourdement à leurs dépens le maire d’une petite commune de Vendée, condamné à 4 ans de prison ferme, et sa première adjointe, condamnée à 2 ans d’emprisonnement. Mais la sévérité de la condamnation doit être mise en regard avec les 29 personnes, âgées de 3 à 87 ans, qui, prisonnières de la montée des eaux dans leurs pavillons, ont laissé leur vie dans la nuit du 27 au 28 février 2010.
Pour comprendre la situation, il faut revenir à la période glorieuse de cette petite commune qui, alors qu’elle se méfiait jusque-là de la mer, découvre les potentialités économiques (immobilières, touristiques, etc.) qu’elle regorge. Alléchée par cette aubaine, elle transforme allègrement ses anciennes terres agricoles et inondables, auparavant réservées aux troupeaux, en terrains constructibles, avec une certaine complaisance des services de l’Etat. Le moteur de cette évolution, c’est cette soif d’enrichissement et de prospérité qui poussent citoyens, élus et représentants de l’Etat à céder, plus ou moins facilement, aux sirènes du développement économique et de l’attractivité du territoire. L’activité économique se développe, les taxes foncières se multiplient, et les élus sont régulièrement reconduits dans leurs fonctions.
Certes, il y a bien eu quelques mises en garde sur les risques d’inondation engendrés par cette urbanisation décomplexée, mais ils apparaissaient comme des oiseaux de mauvais augure, incapables d’apprécier les bienfaits d’une croissance inespérée. Et c’est le déni du risque, mais aussi l’ivresse du pouvoir (politique, mais aussi économique), très largement partagés par les différentes parties prenantes, qui prévalaient alors. Comme le relève le tribunal correctionnel des Sables d’Olonne (dont le jugement a fait l’objet d’un recours auprès de la Cour d’appel de Poitier), « ils ont intentionnellement occulté ce risque, pour ne pas détruire la manne du petit coin de paradis, dispensateur de pouvoir et d’argent. Ils ont menti à leurs concitoyens, les ont mis en danger, les ont considérés comme des quantités négligeables, en restant confis dans leurs certitudes d’un autre temps. Ils ont parié que le risque connu ne se réaliserait pas, mais la mise de fonds de ce pari a été l’intégrité physique des habitants de La Faute-sur-Mer »[1].
Après l’ivresse vient souvent la gueule de bois…
Annabel QUIN
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocate au Barreau de Paris
Mise en ligne : 27/12/2014