Selon l’arrêt rendu le 25 février 2016 par la 3ème Chambre civile de la Cour de Cassation, il n’y a pas violation de la clause d’habitation bourgeoise dès lors qu’il n’y a pas de changement de la destination des lieux et qu’aucune activité n’y est exercée.
On sait qu’en vertu de l’article L.123-11-1 du Code de commerce, le siège d’une société peut être fixé au domicile de son représentant légal, sauf en cas de dispositions législatives ou de stipulations contractuelles contraires. En présence de telles dispositions, le siège social peut quand même être fixé au domicile du représentant légal, mais seulement de façon provisoire, pour une durée n’excédant pas 5 ans ou bien le terme légal, contractuel ou judiciaire de l’occupation des locaux.
L’article L.631-7-3 du Code de la construction et de l’habitation comporte des dispositions similaires : le siège d’une société peut être fixé dans le local d’habitation de son représentant légal, sauf en cas de stipulation contractuelle contraire contenue dans le bail ou le règlement de copropriété.
On déduit généralement de ces textes qu’une clause d’habitation bourgeoise (contenue dans un bail d’habitation, un règlement de copropriété ou un cahier des charges d’un lotissement) empêche de fixer, à titre permanent, le siège d’une société au domicile de son représentant légal.
Or, c’est sur cette interprétation que revient l’arrêt rendu par la 3ème chambre civile de la Cour de cassation le 25 février 2016 (n°15-13856). Par un arrêt de rejet, elle estime qu’il n’y a pas violation de clause d’habitation bourgeoise, et donc pas de changement de la destination des lieux, lorsqu’une société commerciale est domiciliée au domicile de son représentant légal dès lors qu’aucune activité n’y est exercée. Or, en l’espèce, les lieux loués n’accueillaient ni secrétariat, ni clientèle, il n’y avait aucune machine ni activité commerciale et aucun trouble lié à une telle activité n’avait été constaté par les voisins.
Cette décision, si elle favorise la domiciliation du siège d’une société au domicile de son représentant légal, risque cependant de poser des problèmes pratiques. A partir de quand une réunion du Conseil d’administration pourra-t-elle être considérée comme violant la clause d’habitation bourgeoise ? « Si l’on peut admettre que deux co-gérants de SARL ou un président et un directeur général de SAS puissent s’y retrouver pour traites des questions relatives à la gestion de la société, il apparaît plus délicat de considérer que le local puisse, sans constituer une violation de la clause d’habitation bourgeoise, servir de lieu de réunion d’un conseil d’administration de société anonyme comportant dix-huit membres. Une question semblable peut se présenter pour la prise des décisions collectives par les associés. Il est probable que le nombre d’associés participant aux assemblées devra être pris en compte pour considérer que l’on est ou non en présence d’une violation de la clause d’occupation bourgeoise » (B. Saintourens, Domiciliation d’une société commerciale dans un local d’habitation : l’incidence d’une clause d’habitation bourgeoise, Bull. Joly Sociétés, juin 2016, p.16 et suiv.).
Reste qu’il semble possible, pour écarter tout débat, de prévoir « une clause d’habitation plus détaillée que la formule habituelle pour « exclure clairement que les lieux loués puissent être utilisés pour constituer le siège d’une société (ou plus généralement d’une personne morale), même si cette dernière n’exerce dans les lieux en cause aucune activité ni secrétariat » (B.Saintourens, art. préc.).
Annabel QUIN,
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocat au Barreau de Paris
Mise en ligne: 21/02/2017/