La mention, dans un contrat de vente ou de prestation de services financé par un contrat de crédit affecté, que le prix sera payé à l’aide d’un crédit à amortissement différé, supplée le silence du contrat de crédit affecté quant à cette modalité de remboursement. Selon le nouvel article 1189, alinéa 2 du Code civil, applicable depuis le 1er octobre 2016, « lorsque, dans l’intention commune des parties, plusieurs contrats concourent à une même opération, ils s’interprètent en fonction de celle-ci. »
En l’espèce, une toiture en panneaux photovoltaïques avait été financée par un crédit. Face à l’action en paiement exercée par le prêteur, l’emprunteur-acquéreur avait opposé la forclusion de l’action, au motif qu’elle avait été intentée plus de deux ans après l’événement qui lui avait donné naissance, c’est-à-dire, selon une jurisprudence constante, après le premier incident de paiement non régularisé. Le prêteur contesta cette forclusion, notamment au motif que l’absence de réclamation pendant une durée de 11 mois s’expliquait par un différé de remboursement accordé à l’acquéreur par le contrat de vente.
En fait, cet ensemble contractuel posait une difficulté dans la mesure où le contrat de vente prévoyait un différé de remboursement, alors que le contrat de crédit n’en prévoyait pas : plus précisément, la clause prévue à cet effet n’avait pas été cochée.
La Cour de cassation (Cass. Civ. I, 28 octobre 2015, n° 14-11498) estime que, s’agissant de contrats interdépendants, la mention dans le contrat de vente ou de prestation de services, que le prix sera payé à l’aide d’un crédit à amortissement différé, supplée le silence du contrat de crédit affecté quant à cette modalité de remboursement. Ainsi, la Cour de cassation estime que les clauses contractuelles d’un ensemble contractuel doivent s’interpréter les unes par rapport aux autres, ce qui est conforme à la directive posée dans le nouvel article 1189, alinéa 2 du Code civil, applicable à compter du 1er octobre 2016, aux termes duquel « lorsque, dans l’intention commune des parties, plusieurs contrats concourent à une même opération, ils s’interprètent en fonction de celle-ci ».
Mais à la réflexion, on peut s’étonner que la Cour suprême ait estimé nécessaire de procéder à une interprétation. En effet, cette opération ne peut s’appliquer que lorsqu’un contrat est ambigu ou lacunaire. Or, ce n’était pas le cas ici : le contrat de crédit ne comportait pas une lacune, mais une contradiction par rapport au contrat de vente ou de prestation de service. En effet, « ainsi qu’il a déjà été dit, le contrat de prêt était complet et clair : le crédit ne comportait pas de remboursement différé. En réalité, c’est en réduisant la contradiction que les juges ont opéré » (E. Savaux, L’interprétation dans un ensemble contractuel, Rev. Contrats, juin 2016, p.207 et suiv.).
Or, en cas de contradiction irrémédiable entre une clause du contrat de crédit affecté et une autre clause du contrat de vente ou de prestation de services, on peut se demander si c’est bien cette dernière qui doit prévaloir, comme l’ont implicitement décidé les juges suprêmes. Certes, on peut considérer que le contrat de vente est le contrat principal et que ses clauses doivent prévaloir sur le contrat de crédit, qui n’est qu’un contrat accessoire dans l’ensemble contractuel. Mais ce serait oublier que, « dans le régime du crédit affecté du Code de la consommation et dans l’indivisibilité conventionnelle, (…) l’interdépendance n’est pas unilatérale mais bilatérale. Sans crédit, pas de vente de biens ou de prestation de service non plus. Dès lors, pourquoi les clauses du contrat de vente devraient-elles prévaloir sur celles du contrat de prêt ? S’agissant justement de régler une question intéressant directement le remboursement du crédit, n’est-ce pas ce qu’indique précisément le contrat de prêt qui devrait s’imposer ? (…) [Parce que, lorsque des clauses de contrats sont contradictoires,] ce sont celles ayant vocation à régler précisément la question considérée qui doivent s’imposer. En l’espèce, les stipulations du contrat de prêt qui ne prévoyaient pas de différé de remboursement sur celles du contrat de vente qui en indiquaient un » (E. Savaux, art. préc.).
Annabel QUIN,
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocat au Barreau de Paris
Mise en ligne: 10/03/2017