Les documents visés par l’Open data par défaut sont énumérés dans le nouvel article L 312-1-1 du Code des relations entre le public et l’administration.
Les documents concernés par l’Open data par défaut sont extrêmement nombreux puisque le nouvel article L.312-1-1 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA), issu de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, vise, sous la seule réserve que ces documents soient disponibles sous format électronique (ce qui évitera d’avoir à les numériser) :
- « Les documents qu’elles communiquent en application des procédures prévues au présent titre [à savoir les demandes dites « CASA »], ainsi que leurs versions mises à jour »
- « Les documents qui figurent dans le répertoire mentionné au premier alinéa de l’article L.322-6 » [du CRPA], à savoir le Répertoire d’informations publiques (RIP) énumérant les principaux documents comportant des informations publiques (même si, en pratique, on observe que ce document n’est pas toujours établi…)
- « Les bases de données, mises à jour de façon régulière, qu’elles produisent ou qu’elles reçoivent et qui ne font pas l’objet d’une diffusion publique par ailleurs ». « L’inclusion des bases de données dans le périmètre de cet article constitue une grande avancée par rapport à la situation légale préexistante (surtout que le projet de loi précise plus loin (…) que les administrations ne pourront plus opposer leur droit de producteur de base de données à une demande de réutilisation » (Calimaq, Quelle réalité pour le principe d’Open Data « par défaut » de la loi Lemaire ? Blog S.I.Lex, 5 janvier 2016).
- « Les données, mises à jour de façon régulière, dont la publication présente un intérêt économique, social, sanitaire ou environnemental ». Cette formulation est extrêmement large et on ne voit pas très bien quelles données pourraient y échapper, ce qui accroît ainsi largement le périmètre (théorique ?) de l’Open Data par défaut. On peut seulement regretter l’absence de définition juridique de la « donnée ».
A ces documents, il convient d’ajouter les « règles définissant les principaux traitements algorithmiques » servant à prendre des décisions individuelles (art. L.312-1-3 du CRPA).
L’ouverture des données et la possibilité de les réutiliser sont ainsi conçues de façon extrêmement large, ce qui conduit à se demander si tout cela est bien prudent. Autrement dit, la question fondamentale est de savoir « à qui profite l’Open data ? Théoriquement à tout le monde, et telle est l’idée défendue par les pouvoirs publics. Mais est-ce que l’Open data ne va pas permettre d’asseoir encore plus confortablement dans leurs positions dominantes sur le marché du numérique les principaux acteurs ? Ne sommes-nous pas en train de servir encore une fois les seuls intérêts de Google et consorts ? » (K. Favro, Introduction, in Open data : une révolution en marche, LEGICOM 2016/1, n° 56, p. 3 et s., spéc. p.9). Compte tenu de ces incertitudes, compte tenu aussi de la valeur économique des données, et notamment des données publiques, il est sans doute avisé de n’ouvrir ses données que progressivement, en réfléchissant soigneusement, avec les conseils de son avocat, aux données qui doivent être librement accessibles et réutilisables. Pour cela, les administrations disposent d’un temps de réflexion puisque la réforme n’entrera en vigueur que progressivement. Ainsi, l’Open data par défaut s’appliquera, à compter du 7 avril 2017, aux seuls documents demandés dans le cadre des procédures « CADA » ; puis il s’élargira, à partir du 7 octobre suivant, aux principaux documents listés dans les Répertoires d’informations publiques (RIP) ; enfin, il s’étendra aux autres documents à une date fixée par décret et, au plus tard, le 7 octobre 2018. Voilà un répit qui ne sera pas de trop pour des administrations qui sont souvent encore en phase de numérisation de leurs services. Au demeurant, il leur sera toujours loisible « de s’abriter derrière les restrictions du texte pour justifier d’un refus d’autorisation et utiliser le droit sui generis comme frein à la libre réutilisation ; il suffit, par exemple, d’introduire dans la base des éléments protégés par le droit d’auteur pour en contrôler l’usage » (V.-L. Benabou, La loi pour une République numérique et la propriété intellectuelle, Dalloz IP/IT 2016, p.531). Certes. Mais ce n’est plus du tout dans l’esprit de la loi pour une République numérique ! C’est dire que la « révolution » de l’Open data, comme la transition numérique dont on parle tant, n’interviendra réellement qu’avec une révolution culturelle, laquelle prendra sans doute beaucoup de temps : elle nécessitera de développer des aptitudes à l’ouverture et à la coopération, et au fond à une plus grande altérité, ce qui n’est pas sans risques mais peut aussi constituer, espérons-le, une belle aventure humaine.
Annabel QUIN,
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocat au Barreau de Paris
Mise en ligne: 29/03/2017