Régime dérogatoire de la prescription applicable aux infractions occultes ou dissimulées
Afin de rendre plus difficile la prescription des infractions pénales, la loi du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale a doublé les délais de prescription de droit commun, qui se trouvent donc modifiés de la façon suivante :
- Pour les crimes, le délai de prescription de l’action publique passe de 10 à 20 ans à compter du jour où l’infraction a été commise ( 7 du C. proc. pén.).
Toutefois, les délais dérogatoires demeurent mais sont désormais regroupés au sein de ce nouvel article 7 du Code de procédure pénale (30 ans pour les actes de terrorisme, le trafic de stupéfiants, les infractions relatives à la prolifération d’armes de destruction massive, les crimes d’eugénisme et de clonage reproductif).
Par ailleurs, l’imprescriptibilité s’applique désormais non seulement aux crimes contre l’humanité, mais aussi aux infractions connexes à ceux-ci (participation à un groupement en vue de la préparation d’un crime contre l’humanité, etc.).
- Pour les délits, le délai de prescription de l’action publique passe de 3 à 6 ans à compter du jour où l’infraction a été commise ( 8 C. proc. pén.).
Mais là aussi, les délais dérogatoires demeurent, étant précisé que pour les infractions commises sur un mineur, le délai de prescription ne court qu’à compter de la majorité de ce dernier (art. 9-1, al.1 du C. proc. pén.).
La loi du 27 février 2017 a en outre institué un véritable régime dérogatoire de la prescription applicable aux infractions occultes ou dissimulées.
On sait que dans ces hypothèses, la jurisprudence était parvenue à décaler le point de départ du délai de prescription, par exemple au jour où le détournement avait pu être constaté dans le cas d’un abus de confiance ou de tromperie.
Mais l’article 9-1 du Code de procédure pénale étend désormais cette solution à toute infraction occulte (définie par ce même texte comme une « infraction qui, en raison de ses éléments constitutifs, ne peut être connue ni de la victime, ni de l’autorité judiciaire ») ou dissimulée (c’est-à-dire une « infraction dont l’auteur accomplit délibérément toute manœuvre caractérisée tendant à en empêcher la découverte »).
Dans ces deux hypothèses, le délai de prescription de l’action publique court à compter du jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant la mise en mouvement ou l’exercice de l’action publique, c’est-à-dire à partir du jour où l’infraction a pu raisonnablement être connue des magistrats.
Toutefois, le texte prend soin de préciser que le délai de prescription ne pourra pas excéder 12 ans pour les délits et 30 ans pour les crimes à compter du jour où l’infraction a été commise. L’objectif est d’éviter que certaines infractions soient, de fait, imprescriptibles.
Enfin, conformément aux dispositions de l’article 112-2, 4° du Code pénal, la loi nouvelle, qui est entrée en vigueur le 1er mars, s’appliquera aux infractions commises avant son entrée en vigueur, dès lors que la prescription n’est pas acquise.
Elle n’aura donc pas d’effet sur les dossiers en cours. En revanche, parce qu’elle est d’application immédiate, elle bénéficiera « aux infractions commises il y a plus de douze ans pour lesquelles aucune poursuite n’a encore été engagée » (Editions Francis Lefebvre, Nouveau régime de prescription pour les infractions pénales, BRDA 6/17, p. 24 et 25).
Annabel QUIN,
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocat au Barreau de Paris
Mise en ligne: 24/05/2017