Des acquéreurs achètent un appartement en état futur d’achèvement. Le contrat est conclu. Sur la base d’une attestation d’achèvement des fondations établie par l’architecte en charge du suivi du chantier, un premier appel de fonds est effectué. Cependant, les travaux, n’ont en réalité jamais débuté…
(voir le commentaire de cet arrêt à paraître à la Revue de droit immobilier, mars 2015)
Des acquéreurs achètent un appartement en état futur d’achèvement. Le contrat est conclu et dressé en la forme authentique par acte en date du 5 octobre 2007. Le 11 juillet de la même année, un organisme financier a consenti une garantie d’achèvement pour le programme de construction. Selon une pratique habituelle, le garant exige que les versements correspondant aux appels de fonds à mesure de l’exécution des travaux soient effectués entre ses mains, pour être libératoires. Sur la base d’une attestation d’achèvement des fondations établie par l’architecte en charge du suivi du chantier, un premier appel de fonds est effectué et les sommes sont payées entre les mains du garant. Une déclaration d’ouverture de chantier a été effectuée par le vendeur en date du 1er juin 2007. Cependant, les travaux, n’ont en réalité jamais débuté et le permis de construire expire deux ans après sa délivrance, soit le 12 octobre 2007. Le permis de construire étant périmé, l’achèvement de l’immeuble devient impossible et les acquéreurs assignent le vendeur, le garant, le notaire, l’architecte et l’organisme prêteur en résolution du contrat de VEFA et en indemnisation de leurs différents préjudices. La Cour d’appel de Bordeaux rejette leurs prétentions, notamment celles émises à l’encontre du notaire. Sur ce point, elle considère que le vendeur, qui avait indiqué avoir effectué une déclaration de chantier en date du 1er juin 2007, disposait d’un délai – suffisant – de quatre mois et demi pour débuter la construction. Elle en déduit que le notaire n’avait pas à procéder à d’autres vérifications ou à exiger la justification d’une demande de prorogation du permis de construire.
La Cour de cassation, réunie en Assemblée plénière, casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Bordeaux, considérant que ni la formalité d’une déclaration d’ouverture de chantier, ni l’existence d’une garantie d’achèvement ne suffisent à dispenser le notaire, tenu d’assurer l’efficacité des actes qu’il instrumente, de vérifier le commencement effectif des travaux et d’informer les acquéreurs sur les risques éventuellement encourus.
Lorsqu’approche la date d’expiration de l’autorisation de construire, pèse donc sur le notaire chargé de dresser les actes authentiques de VEFA l’obligation de s’assurer du commencement effectif des travaux. Devant assurer autant la pleine efficacité des actes qu’il dresse que la parfaite information des acquéreurs sur ce point, il ne peut se contenter de la seule déclaration d’ouverture de chantier effectuée par le vendeur. De la même manière, il ne peut se contenter de la souscription par ce dernier d’une garantie financière d’achèvement. Et pour cause, en cas de péremption du permis de construire, la garantie financière d’achèvement ainsi souscrite ne sera d’aucun secours, ni d’aucune utilité aux acquéreurs dans la double mesure où l’achèvement sera devenu impossible et où les sommes éventuellement déjà versées au promoteur ne leur seront pas remboursées, ne s’agissant pas d’une garantie de remboursement.
Si la solution est cohérente au regard des conséquences de la péremption du permis de construire sur la situation des acquéreurs, elle pose la question de la nature et des modalités des mesures de contrôle que les notaires doivent mettre en œuvre pour vérifier que les travaux ont effectivement débuté. En effet, la question se pose de déterminer si l’arrêt met à leur charge l’obligation de se déplacer sur les lieux pour vérifier le commencement effectif des travaux ou si une simple vérification documentaire et administrative peut être suffisante. Ceci d’autant plus qu’en l’espèce, une attestation de l’architecte précisait que les fondations étaient achevées. Or cette attestation avait probablement été portée à la connaissance du notaire.
Jean-Philippe TRICOIRE
Université de Franche-Comté
Directeur du master droit des affaires et du patrimoine
Directeur scientifique du pôle immobilier ALTA-JURIS
Mise en ligne : 17/02/2015