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Adoption d’un enfant par le conjoint homosexuel : les conséquences attendues du mariage pour tous


14 octobre 2014



Depuis la loi du 18 mai 2013 sur le mariage pour tous, les couples homosexuels peuvent se marier. Ce texte ne comporte aucune disposition sur l’adoption. Cependant, l’adoption étant possible pour les couples mariés (art.346 du Code civil pour l’adoption plénière), sans autre précision, elle doit donc aussi bénéficier aux époux de même sexe.

Les juges sont ainsi confrontés à des demandes d’adoption formées par l’épouse de la mère. Il en est ainsi en cas de conception « par des modes naturels » comme en cas de conception par des procédés scientifiques, et notamment dans le cadre de la procréation médicalement assistée (PMA) avec insémination artificielle par tiers donneur (IAD). Toutefois, en France, la PMA est réservée aux couples composés d’un homme et d’une femme (art. L.2141-2 du Code de la santé publique). D’où la tentation, pour les couples homosexuels, de se faire inséminer à l’étranger, où une semblable restriction ne se retrouve pas, et de demander ensuite en France le prononcé de l’adoption.

La question posée pour avis à la Cour de cassation, et qui divise les juges du fond[1], est de savoir si l’adoption est possible dans l’hypothèse où le couple homosexuel a recouru à l’insémination artificielle dans un autre Etat afin de contourner l’interdiction posée par la loi française.

En premier lieu, est-ce conforme à l’intérêt de l’enfant ? On sait que cet intérêt est déterminant et que son appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond. En l’occurrence, il n’est pas possible de se prononcer abstraitement. Tout au plus peut-on affirmer que l’intérêt de l’enfant n’est pas nécessairement d’avoir une filiation bilinéaire de sorte que l’homosexualité de l’épouse demanderesse n’exclut pas, par principe, son adoption.

En second lieu, le recours à la PMA dans ces circonstances constitue-t-il une fraude à la loi française ? La question est débattue, la notion de fraude à la loi pouvant justifier des appréciations variables. Surtout, est-il opportun d’entraîner le juge sur ce terrain ? En effet, les conditions de conception d’un enfant relèvent, lorsqu’elles ne heurtent pas l’ordre public (ce qui est le cas en cas d’inceste ou de gestation pour autrui), de la sphère de la vie privée. De plus, il serait très simple d’éluder ces difficultés en prétextant que la conception s’est opérée par des voies naturelles. Comme le relève Mme le conseiller rapporteur, « selon un rapport de l’Assemblée Nationale, « sur les 24 000 à 40 000 enfants vivant en 2009 dans un foyer composé de deux adultes de même sexe, la grande majorité des familles en coparentalité ainsi que des femmes ou couples de femmes font appel à un donneur de leur entourage et procréent par insémination « artisanale » consécutive, c’est-à-dire hors contexte médical ». Il est donc particulièrement délicat de distinguer ces situations de celles dans lesquelles des femmes se rendent à l’étranger pour obtenir une IAD »[2]. Enfin, elle conduit à questionner notre législation au regard de la liberté de circulation en Europe. Une harmonisation des modalités de procréation au niveau européen apparaît inéluctable, au moins sur des questions qui ne mettent pas en cause des principes essentiels de notre société. On ne peut donc qu’approuver l’avis rendu par la Cour de cassation aux termes duquel : « Le recours à l’assistance médicale à la procréation, sous la forme d’une insémination artificielle avec donneur anonyme à l’étranger, ne fait pas obstacle au prononcé de l’adoption, par l’épouse de la mère, de l’enfant né de cette procréation, dès lors que les conditions légales de l’adoption sont réunies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant ».    

Annabel QUIN
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocate au Barreau de Paris

 

[1] Pour un exposé de la jurisprudence, V. le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, spéc. p. 15 et s.   http://www.courdecassation.fr/IMG///R1470007%20def2_%20ANO.pdf

[2] Spéc. p.33, http://www.courdecassation.fr/IMG///R1470007%20def2_%20ANO.pdf

 

Mise en ligne : 14/10/2014

 





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