Le Conseil constitutionnel s’est prononcé le 5 août sur la conformité de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite Loi Macron à la Constitution dont il avait été saisi par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs (Censure partielle de la loi Macron par le Conseil Constitutionnel : découvrez les mesures déclarées contraires à la Constitution et celles déclarées conformes).
Ont été jugé contraires à la constitution :
- Les dispositions de l’article 39-2° de la loi qui instaurent, dans le domaine du commerce de détail, une nouvelle procédure d’injonction structurelle, susceptible d’être ouverte par l’Autorité de la concurrence en cas de position dominante d’un opérateur soulevant des préoccupations de concurrence
Le Conseil constitutionnel a censuré ses dispositions sur le fondement de l’atteinte disproportionnée portée au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre
- Les dispositions de l’article 50-III qui institue à compter du 1er janvier 2016, une contribution annuelle dénommée « contribution à l’accès au droit et à la justice », pour assurer le financement du fonds interprofessionnel de l’accès au droit et à la justice prévu à l’article L. 444-2 du code de commerce
Ce nouveau prélèvement obligatoire pesant sur les officiers publics ou ministériels, est assis sur la valeur des biens ou des droits, faisant l’objet de la prestation juridique, d’un montant hors taxe supérieur à 300 000 €, dont le taux serait fixé par arrêté conjoint des ministres de la justice et de l’économie entre 0,05 et 0,2 %.
Le Conseil constitutionnel a relevé que « ces dispositions habilitaient le pouvoir réglementaire à fixer les règles concernant l’assiette de cette taxe, dont la détermination revient en principe au législateur en application de l’article 34 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel en a déduit que le législateur avait méconnu l’étendue de sa compétence. »
- Les dispositions de l’article 52-IV qui prévoit que lorsque la création d’un office porte atteinte à la valeur patrimoniale d’un office antérieurement créé, le titulaire de ce dernier est indemnisé, à sa demande, par le titulaire du nouvel office dont la création a causé ce préjudice
Le Conseil constitutionnel a jugé non conforme à la Constitution le paragraphe IV de l’article 52 qui organisait les modalités d’indemnisation du titulaire d’un office de notaire, huissier de justice ou commissaire-priseur judiciaire lorsque sa valeur patrimoniale est atteinte par la création d’un nouvel office.
Il a jugé que de telles modalités ne pouvaient, sans occasionner une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques, faire supporter au titulaire du nouvel office la charge de procéder à la compensation de la dépréciation de la valeur patrimoniale de l’office antérieurement créé.
Toutefois, cette déclaration d’inconstitutionnalité n’entraîne pas celle des paragraphes I à III dès lors qu’il est loisible au titulaire d’un office subissant un préjudice anormal et spécial résultant de la création d’un nouvel office d’en demander réparation sur le fondement du principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques.
- Les dispositions du 2° de l’article 216 de la loi qui visent à permettre à l’Autorité de la concurrence d’accéder aux factures détaillées fournies par les opérateurs de communications électroniques, pour obtenir des preuves dans le cadre de ses enquêtes sur des pratiques anticoncurrentielles
Le Conseil constitutionnel considère que ces dispositions sont de nature à porter atteinte au droit au respect de la vie privée de la personne intéressée.
- L’article 266 instituant un dispositif d’encadrement du montant des indemnités prononcées par les conseils de prud’hommes en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse (V. Quin, Loi Macron : le plafonnement des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse, Blog d’Altajuris International, 31 août 2015)
Le Conseil constitutionnel a jugé que si le législateur pouvait, afin de favoriser l’emploi en levant les freins à l’embauche, plafonner l’indemnité due au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse, il devait retenir des critères présentant un lien avec le préjudice subi par le salarié. Or, si tel est le cas du critère de l’ancienneté dans l’entreprise, en revanche il n’en est pas ainsi du critère des effectifs de l’entreprise. Le Conseil constitutionnel a en conséquence censuré l’article 266 pour méconnaissance du principe d’égalité devant la loi.
Annabel QUIN
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocate au Barreau de Paris
Mise en ligne : 30/09/2015