À l’aube de son quarantième anniversaire, la directive européenne du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité des produits défectueux fait peau neuve. Ce texte fondateur, qui établissait le régime de responsabilité sans faute des producteurs, cède sa place à la directive (UE) 2024/2853 du 23 octobre 2024 entrée en vigueur le 8 décembre 2024. Les États membres disposent d’un délai de deux ans pour la transposer dans leurs législations nationales, soit jusqu’au 9 décembre 2026, date à compter de laquelle ses dispositions s’appliqueront aux produits mis sur le marché ou mis en service.
Les objectifs de cette réforme sont ambitieux : intégrer les évolutions technologiques, notamment celles liées à l’intelligence artificielle, s’adapter aux nouveaux modèles économiques comme l’économie circulaire, et répondre aux défis posés par des chaînes d’approvisionnement mondiales. La directive entend également simplifier l’accès à l’indemnisation, aujourd’hui entravée par « des restrictions à l’introduction des demandes de réparation » et par « la difficulté de réunir des preuves, compte tenu notamment de la complexité technique et scientifique croissante ».
Parmi les modifications essentielles à prévoir, on relèvera d’abord un élargissement du champ d’application de la directive qui couvre désormais de nouveaux produits, à l’instar des fichiers de fabrication numériques (article 4), et de nouveaux dommages, comme les atteintes à la santé psychologique qui seraient médicalement reconnues ou encore la destruction ou la corruption de données qui ne sont pas utilisées à des fins professionnelles (article 6).
Le nouveau texte allonge également la liste des responsables potentiels puisque l’article 8 prévoit que les fournisseurs d’une plateforme en ligne pourront être tenus responsables d’un produit défectueux vendu sur leur site dès lors qu’ils permettent aux consommateurs de conclure des contrats à distance avec des professionnels. Dans le cas où le produit a été fabriqué hors de l’UE, l’entreprise importatrice ou le représentant du fabricant étranger basé dans l’UE pourra être tenu responsable. De même, conformément à l’objectif de prise en compte de l’économie circulaire, toute personne qui modifie « de manière substantielle un produit en dehors du contrôle du fabricant et le met ensuite à disposition sur le marché ou en service » pourra être tenue responsable.
Enfin, dans la perspective de facilitation du droit à indemnisation, le texte prévoit un certain nombre de règles probatoire. L’article 9 indique en effet que si le demandeur présente des éléments de preuve suffisants pour étayer la plausibilité de sa demande en réparation, le défendeur peut être tenu de divulguer lui-même des éléments de preuve pertinents dont il dispose. L’article 10 prévoit également un allégement de la preuve de la charge de la preuve puisque lorsque le demandeur est confronté à des difficultés excessives, en raison de la complexité technique ou scientifique, pour prouver la défectuosité du produit ou le lien de causalité entre cette difficulté et le dommage ou les deux, une juridiction peut décider que le demandeur est seulement tenu de prouver la probabilité que le produit ou que sa défectuosité soit une cause probable du dommage. La nouvelle directive introduit également une présomption de défectuosité lorsque certaines conditions sont remplies, par exemple lorsque le demandeur démontre que le produit n’est pas conforme aux exigences obligatoires en matière de sécurités des produits prévues par le droit de l’Union ou le droit national qui sont destinées à protéger contre le risque de survenance du dommage subit. Elle prévoit également une présomption de lien de causalité lorsque « le dommage causé est d’une nature généralement compatible avec le défaut en question ».