Dans un arrêt du 13 juillet 2016, la 1ère chambre Civile de la Cour de Cassation s’est alignée sur la jurisprudence de la CEDH estimant que « l’intérêt de l’enfant est de connaître la vérité sur ses origines. »
On sait que depuis un arrêt du 28 mars 2000 (Pourvoi n° 98-12.806 ; Bull. n° 103 ; Defrénois, 2000-06-30, n° 12, p. 769, note J. Massip ; Dalloz, 2000-10-12, n° 35, p. 731, note T. Garé ; JCP 2000-10-25, n° 43/44, conclusions C. Petit et note M.C.Monsallier-Saint-Mieu), la Cour de cassation affirme régulièrement que « l’expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s’il existe un motif légitime de ne pas l’ordonner ». Cela concerne aussi bien les expertises sanguines que les expertises génétiques et s’applique aux différentes actions relatives à la filiation.
Dans ces conditions, la détermination des motifs légitimes permettant de se soustraire à une expertise biologique constitue un enjeu important.
En 2004, le rapport de la Cour de cassation relevait que « la lecture des arrêts rendus par la première chambre civile depuis le 28 mars 2000 démontrent que de tels motifs existent, d’une part, lorsqu’une première expertise permet de trancher la question de la filiation biologique d’un enfant, d’autre part, si des éléments autres que l’expertise permettent de statuer avec certitude sur la filiation, rendant la mesure d’instruction superfétatoire » (Vérité biologique et filiation dans la jurisprudence de la Cour de cassation, par A. Pascal et M. Trapero, spéc. p.4, in Rapport 2004).
Ultérieurement, la Cour de cassation a estimé que le motif légitime résultait de ce que la demande, tendant en l’espèce à l’annulation d’une reconnaissance de paternité intervenue 60 ans plus tôt, « n’était causée que par un intérêt strictement financier » (Cass. Civ. I, 30 septembre 2009, Pourvoi n° 08-18.398).
Mais l’intérêt supérieur de l’enfant, si souvent invoqué, peut-il constituer un juste motif pour refuser une expertise biologique ? La CEDH l’a refusé il y a quelques mois, estimant péremptoirement que l’intérêt de l’enfant est de connaître la vérité sur ses origines (CEDH, 14 janvier 2016, n° 30955/12). C’est la même solution qui a été retenue par la Cour de cassation le 13 juillet 2016 (Cass. Civ. I, 13 juillet 2016 Pourvoi n° 15-22.848 ; D. Chaminade, Contestation de paternité : quel motif pour refuser une expertise biologique ?, EFL, 12 septembre 2016).
En l’espèce, quatre ans après la naissance d’une enfant, le requérant a contesté la paternité du mari de la mère et sollicité l’établissement judiciaire de sa paternité. Il a demandé à cette fin la réalisation d’une expertise biologique.
La Cour d’appel a infirmé le jugement ayant ordonné une expertise au motif que le demandeur ne cherchait pas à faire triompher la vérité biologique mais à se venger de la mère de l’enfant, qui avait refusé de renouer une relation amoureuse avec lui. Elle a en effet estimé que le motif légitime de refus de l’expertise biologique résultait notamment de ce que la finalité de l’action bafouait l’intérêt de l’enfant.
Elle a été sèchement censurée par la Cour de cassation au motif que « l’intérêt supérieur de l’enfant ne constitue pas en soi un motif légitime de refus de l’expertise biologique ». Dont acte.
Annabel QUIN,
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocat au Barreau de Paris
Mise en ligne: 17/10/2016