Arrêt rendu le 13 septembre 2017 par la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation (Pourvoi n°15-84.823 ; K. Deckert, Non bis in idem : la chambre criminelle persiste et signe ! Lettre CREDA-société du 4 octobre 2017) :
Alors que l’article L.465-3-6 du Code monétaire et financier règle la question pour ce qui concerne les atteintes à la transparence des marchés, le problème demeure entier pour les autres atteintes.
Or, c’est le cumul de sanctions disciplinaire (prononcée par l’ex-Conseil des marchés financiers) et pénale en matière d’escroquerie qui a donné lieu à l’arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 13 septembre 2017 (Pourvoi n° 15-84.823 ; K. Deckert, Non bis in idem : la chambre criminelle persiste et signe !, Lettre CREDA-société du 4 octobre 2017).
La Haute juridiction a écarté l’application du principe « Non bis in idem » au motif que le Conseil des marchés financiers ne constituait pas une juridiction pénale.
On peut être très réservé à l’égard de cette motivation qui méconnaît la conception que la Cour européenne des droits de l’homme a des notions de « tribunal » et de « peine » ou sanction « de nature pénale » (V. les obs. de K. Dessert, art. préc.).
Certes, on pourrait objecter que les fautes disciplinaires ne sont pas de même nature que les fautes réprimées par une sanction pénale.
Mais la CEDH risque d’être insensible à ces arguties juridiques dans la mesure où elle considère que « l’article 4 du Protocole n° 7 doit être compris comme interdisant de poursuivre ou de juger une personne pour une seconde infraction pour autant que celle-ci a pour origine des faits identiques ou des faits qui sont « en substance » les mêmes que ceux ayant donné lieu à la première infraction » (CEDH, 10 février 2009, n° 14939/09, affaire Zolotoukhine c./. Russie).
Autrement dit, c’est la nature des faits, et non leur qualification, qui détermine l’application du principe « Non bis in idem ».
Force est donc d’en conclure que, à plus ou moins brève échéance, devrait s’imposer la règle du non-cumul et la nécessité d’une concertation entre le Parquet et l’AMF, sur le modèle de ce que l’article L.465-3-6 du Code monétaire et financier prévoit pour les atteintes à la transparence des marchés, afin de déterminer la stratégie qu’il y a lieu d’adopter et privilégier soit la sanction administrative, soit la sanction judiciaire.
C’est ainsi qu’on voit, ici comme en d’autres domaines, se développer une transformation en profondeur de l’analyse juridique et du rôle du juriste, qui privilégie les approches en termes de stratégie et de coopération et bouleverse les traditions dogmatiques françaises (Sur cette évolution, V. not. le très intéressant ouvrage d’ O. Chaduteau, La direction juridique de demain, Vers un nouveau paradigme du droit dans l’entreprise, éd. Lextenso, 2014, qui comporte également d’intéressants développements sur l’évolution des relations entre les juristes d’entreprise et les avocats).
Annabel QUIN,
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocat au Barreau de Paris
Mise en ligne: 06/11/2017