- CE, 4 août 2021, n°428409
Le dispositif de la décision rendue par le Conseil d’État le 4 août dernier a largement été repris et diffusé dans la presse. Celui-ci prévoit en effet que « L’État est condamné à verser la somme de 10 millions d’euros » à plusieurs associations de défense de l’environnement au titre de la liquidation d’une astreinte accompagnant une injonction à prendre les mesures nécessaires pour réduire la pollution de l’air dans certaines zones du territoire français.
Cette décision constitue le troisième épisode d’un feuilleton judiciaire et illustre le développement d’un mouvement qualifié de « justice climatique » qui fait écho à la saisine des juridictions au service de la lutte pour la protection de l’environnement et la préservation du climat.
Le feuilleton débute en 2017, lorsqu’à la suite d’une demande formée par l’association les Amis de la Terre, le Premier ministre et le Ministre chargé de l’environnement sont notamment enjoints par une décision du Conseil d’État de mettre en œuvre des plans afin de réduire, dans plusieurs zones identifiées du territoire français et dans les délais les plus courts possibles, les concentrations dans l’air de dioxyde d’azote et de particules fines afin qu’elles passent sous des valeurs définies par le droit de l’Union européenne (CE 12 juill. 2017, n°394254).
C’est l’inexécution de cette première décision qui, trois années plus tard, conduit la même juridiction à ordonner, dans les six mois de la notification de la décision et sous peine d’astreinte s’élevant à 10 millions d’euros par semestre, l’adoption des mesures prescrites dans la décision de 2017 (CE, 10 juillet 2020, n°428409)
À la demande de l’association initiatrice du contentieux, la décision du 4 août 2021 tire les conséquences d’une nouvelle inexécution caractérisée par le Conseil d’État. Après analyse des mesures prises et justifiées par la Ministre de la transition écologique, cette juridiction constate « que l’État ne peut être regardé comme ayant pris des mesures suffisantes propres à assurer l’exécution complète des décisions du Conseil d’État des 12 juillet 2017 et 10 juillet 2020 dans ces zones. ».
Pourtant, l’adoption de mesures visant à améliorer la qualité de l’air ainsi que la réduction effective de la concentration des substances visées dans les zones concernées sont effectivement constatées. Le Conseil d’État juge néanmoins ces mesures insuffisantes dès lors que parmi les zones concernées, il en reste certaines où la concentration de dioxyde d’azote dans l’air et celle des particules fines n’a pas été réduite en dessous des seuils visés par les précédentes décisions tandis que dans d’autres zones, les taux se situent juste en dessous des seuils, et ce malgré la diminution importante de la circulation routière du fait de la crise sanitaire.
Ces baisses sont alors considérées comme non consolidées. Aussi, du fait de l’incertitude des mesures prises et de l’absence d’évaluation fiable de leurs effets, l’action de l’État est jugée insuffisante, justifiant alors la liquidation de l’astreinte.
Le montant de l’astreinte vaut pour les six premiers mois de l’année 2021 et correspond à la somme déterminée dans la décision de juillet 2020. Le feuilleton n’est pas pour autant clos par cette condamnation : le Conseil d’État donne rendez-vous à l’État début 2022 pour une nouvelle évaluation des mesures prises et l’éventuel prononcé d’une autre astreinte.
Nul ne doute que les associations environnementales veilleront à ce que ce rendez-vous soit tenu !