L’article L.341-4 vise les « biens et revenus » de la caution, sans opérer une distinction selon qu’ils ont vocation, ou pas, à supporter les poursuites de la caution.
En l’espèce, deux associés se sont portés cautions solidaires du remboursement de prêts consentis à la société pour l’acquisition de son fonds de commerce. Mais la société a été mise en liquidation judiciaire et les cautions ont été poursuivies en exécution de leurs engagements. Elles ont alors opposé au créancier la disproportion de leur engagement. A cette fin, elles ont notamment soutenu que les parts sociales et la créance de compte courant d’associé ne devaient pas être pris en compte dans l’appréciation des « biens » évoqués par l’article L.341-4 du Code de la consommation.
Cet argument, qui a emporté la conviction de la Cour d’appel, pouvait se comprendre à l’aune de l’esprit du texte. « En effet, si le contrôle de proportionnalité tend à vérifier l’existence d’une adéquation entre le niveau d’engagement de la caution et l’état de son patrimoine, c’est dans la perspective des éventuelles poursuites menées par le créancier » (N. Borga, Valeur des droits sociaux de la société débitrice et proportionnalité du cautionnement, Bull. Joly Sociétés, avril 2016, p. 225 et suiv.). Or, lorsque la société est en liquidation judiciaire, les poursuites du créancier ne vont pas être exercées sur les parts sociales de ladite société, ni sur une créance de compte courant détenue sur cette même société. Dès lors, « le créancier, dans son appréciation du risque de crédit, serait bien imprudent de jauger la solvabilité de la caution à l’aune de la valeur des parts sociales ou de la créance de compte courant qu’elle peut détenir ». On pourrait donc en déduire que ces éléments d’actif ne doivent pas être pris en compte dans le contrôle de proportionnalité. Au demeurant, une telle interprétation pourrait s’inscrire dans un mouvement général tendant à une interprétation favorable aux cautions de l’évaluation de leur patrimoine.
Toutefois, cette interprétation apparaît trop générale. Certes, elle vaut lorsque la caution conserve lesdites parts sociales ou créance. Mais elle peut très bien préférer céder ses parts ou demander le remboursement de sa créance de compte courant avant que la société ne rencontre des difficultés. Dans ce cas, « le créancier pourra éventuellement, le moment venu, appréhender les valeurs qui auront intégré son patrimoine en lieu et place des parts sociales ou de la créance de compte courant » (N. Borga, art. préc.).
Surtout, l’article L.341-4 vise les « biens et revenus » de la caution, sans opérer une distinction selon qu’ils ont vocation, ou pas, à supporter les poursuites de la caution. Dès lors, on ne peut qu’approuver la Cour de cassation d’avoir refusé d’entrer dans une casuistique bien délicate et d’avoir décidé, dans un arrêt rendu par la chambre commerciale le 26 janvier 2016 (n° 13-28378), que « les parts sociales et la créance inscrite en compte courant d’associé dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée font partie du patrimoine devant être pris en considération pour l’appréciation de ses biens et revenus à la date de la souscription de son engagement ».
Annabel QUIN,
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocat au Barreau de Paris
Mise en ligne: 05/09/2016