Le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 20 juin 2016, a confirmé sa jurisprudence antérieure : tout voisin immédiat peut former un recours pour excès de pouvoir s’il justifie de son intérêt à agir par des éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction.
Afin de limiter les contestations relatives à des autorisations d’urbanisme, l’ordonnance du 18 juillet 2013 a créé un nouvel article L.600-1-2 du Code de l’urbanisme en vertu duquel une personne (autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association) formant un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager doit, pour être recevable, justifier que la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L.21-15 du Code de la construction et de l’habitation. Dès lors, le Conseil d’Etat considère que le requérant doit préciser l’atteinte qu’il invoque et faire état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient alors au juge de l’excès de pouvoir d’apprécier la recevabilité de la requête en écartant les allégations insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque.
Toutefois, le Conseil d’Etat a assoupli ces exigences au profit du voisin immédiat en exigeant seulement qu’il fasse état, pour justifier de son intérêt à agir, d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction (CE, 13 avril 2016, Req n° 389798). Cet assouplissement, peu conforme aux objectifs de la réforme opérée par l’ordonnance du 18 juillet 2013, a été pourtant confirmé par un nouvel arrêt du Conseil d’Etat, rendu le 20 juin 2016 (Req. N°386932).
En l’espèce, une requérante avait formé un recours pour excès de pouvoir contre un permis d’aménager un lotissement de sept lots. A l’appui de son recours, elle avait produit les documents suivants : un acte de notoriété, une facture d’électricité établissant sa qualité de propriétaire voisin ; et un extrait de plan cadastral faisant apparaître la localisation du terrain d’assiette du projet par rapport à sa parcelle ainsi que la proximité de sa maison d’habitation avec le lotissement et la voie d’accès à ce dernier.
Le tribunal administratif a estimé que ces documents étaient insuffisants à justifier de son intérêt à agir, et a en conséquence déclaré la demande irrecevable.
Il est censuré par le Conseil d’Etat qui, reprenant sa jurisprudence précitée, estime que le requérant justifiait d’un intérêt à agir dès lors que les documents cartographiques produits, permettant d’apprécier la localisation de la propriété du voisin, étaient suffisants et de nature à justifier d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction.
Reste à savoir si le législateur interviendra pour briser cette jurisprudence qui contrarie sa volonté de sécuriser les autorisations d’urbanisme…
Annabel QUIN,
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocat au Barreau de Paris
Mise en ligne: 21/10/2016