Loi Sapin 2 du 9 décembre 2016 : le régime juridique des lanceurs d’alerte. Définition, procédure progressive et respect des conditions légales :
L’article 6 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique définit pour la première fois le lanceur d’alerte. Deux conditions doivent être réunies :
- d’une part, la personne physique doit agir de manière désintéressée et de bonne foi. Dès lors, une entreprise ne pourrait pas bénéficier de ce régime si elle révélait les pratiques illégales d’un concurrent ;
- d’autre part, ses révélations doivent porter sur un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ». Les faits visés sont donc très larges, mais le texte exclut expressément « les faits, informations ou documents couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client ».
Si ces conditions sont remplies, le lancement de l’alerte doit être réalisé selon une procédure progressive (art. 8 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique) :
- d’abord, l’alerte doit être portée à la connaissance du supérieur hiérarchique ;
- à défaut de réaction, elle peut ensuite être adressée à l’autorité judiciaire, à l’autorité administrative ou aux ordres professionnels ;
- enfin, en l’absence de réaction pendant un délai de 3 mois, le signalement peut être rendu public.
Autrement dit, le lanceur d’alerte ne doit pas « sortir » des affaires sur la place publique avant d’avoir sollicité les autorités concernées pour qu’elles interviennent. C’est seulement en cas d’inertie de celles-ci qu’ils pourra exposer les faits publiquement.
S’il respecte ces conditions légales, le lanceur d’alerte bénéficie d’une triple protection :
- en premier lieu, la confidentialité de son identité doit être préservée (ainsi que celle de la personne mise en cause). En effet, son identité ne peut être connue que des autorités judiciaires, et à la condition qu’il donne son accord ( 9 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique) ;
- en deuxième lieu, le lanceur d’alerte est protégé contre une sanction disciplinaire, qu’il soit salarié (nouvel al.2 à l’art. L. 1132-3-3 du Code du travail) ou agent public (nouvel al.2 à l’art. 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires). S’il a été exclu, il peut bénéficier d’une mesure de réintégration (nouvel L.911-1-1 du Code de justice administrative pour le secteur public ; art. 12 de la loi du 9 décembre 2016) ;
- en troisième lieu, si le lanceur d’alerte a porté atteinte à un secret protégé par la loi, il n’est pas responsable pénalement dès lors que cette divulgation était nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause (nouvel article 122-9 du Code pénal).
En revanche, si le lanceur d’alerte agit de mauvaise foi, il encourt les peines de la dénonciation calomnieuse ou de la diffamation.
Annabel QUIN,
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocat au Barreau de Paris
Mise en ligne: 15/05/2017