- Civ. 1ere, 4 octobre 2024, n°24-12.533
La loi bioéthique du 2 août 2021 a permis de nombreuses avancées, parmi lesquelles l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux femmes seules ou aux couples de femmes. L’article 342-10 al. 1 du code civil prévoit, dans ce cadre, une procédure spécifique de recueil de consentement devant notaire, qui permet aux couples de femmes de reconnaître conjointement l’enfant (art. 342-11 al.1 c.c). La filiation est alors établie à l’égard de la femme qui accouche par la désignation de celle-ci dans l’acte de naissance et à l’égard de l’autre femme par la reconnaissance conjointe (art. 342-11 al.2 c.c). Ces dispositions, limitées aux PMA réalisées après l’entrée en vigueur de la loi, ont également été complétées par un dispositif transitoire, prévu à l’article 6, IV, alinéa 1er de la loi, qui étend cette possibilité aux couples de femmes ayant eu recours à une AMP à l’étranger avant la publication de la loi. Ce dispositif impose néanmoins que la mère biologique accepte d’effectuer une reconnaissance conjointe. C’est pourquoi, en complément, et pour pallier les hypothèses dans lesquelles les femmes se sont séparées de manière conflictuelle, l’article 9 de la loi du 21 février 2022 visant à réformer l’adoption a ouvert la possibilité, de façon également transitoire, à la femme qui n’a pas accouché de l’enfant de demander à l’adopter lorsque « la mère inscrite dans l’acte de naissance refuse la reconnaissance conjointe ». Cette demande est néanmoins soumise à des conditions strictes – preuve d’un projet parental commun, preuve de l’assistance médicale à la procréation réalisée à l’étranger avant la publication de la loi du 2 août 2021 et refus de reconnaissance conjointe contraire à l’intérêt de l’enfant – qui laissent hors du cadre législatif français certaines situations familiales, ainsi qu’en témoigne la décision rendue par la Cour de cassation le 4 octobre 2024.
En l’occurrence, une femme et un homme, prétendument en couple, ont consenti à une assistance médicale à la procréation réalisée en France. La filiation de l’enfant, née de ce processus en novembre 2013, n’a été établie qu’à l’égard de la mère, laquelle s’est, peu de temps avant la naissance, mariée à une femme. Cette dernière, invoquant l’existence d’un projet parental commun, a demandé que le refus de son épouse de donner son consentement à l’adoption de l’enfant soit déclaré abusif. Le tribunal judiciaire a accueilli cette demande et prononcé l’adoption plénière, mais le jugement est infirmé en appel. La femme, déboutée de sa demande, forme un pourvoi en cassation à l’occasion duquel elle formule deux questions prioritaires de constitutionnalité. La première question portait sur l’exclusion des AMP réalisées en France avant la loi du 2 août 2021 du champ d’application des dispositifs transitoires et le fait de savoir si cette exclusion ne méconnaît pas « l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit à une vie familiale normale de l’enfant et de son parent d’intention, la liberté de mettre fin aux liens du mariage ainsi que le principe d’égalité devant la loi ». La Cour de cassation refuse de renvoyer la question au Conseil constitutionnel. Elle souligne que les dispositions contestées ne sont pas applicables au litige et qu’elles n’ont d’ailleurs pas été invoquées au soutien de la demande aux fins d’adoption. La seconde question visait la constitutionnalité de l’article 348-6 du Code civil, dans sa version en vigueur du 1er juillet 2006 au 1er janvier 2023, en ce qu’il impose, même en présence d’un projet parental commun au sein d’un couple de femmes, de démontrer que la mère biologique s’est désintéressée de l’enfant au risque d’en compromettre la santé ou la moralité pour que le refus de cette dernière de consentir à l’adoption par la mère d’intention soit considéré comme abusif. La Cour de cassation refuse également de la renvoyer. Elle estime que la question n’est pas nouvelle et qu’elle ne présente pas de caractère sérieux. Elle rappelle que « l’exigence du consentement des parents d’origine à l’adoption de leurs enfants mineurs, édictée par l’article 348 du code civil, constitue un principe essentiel du droit de l’adoption » et qu’il « ne peut y être dérogé, dans l’intérêt de l’enfant, que si les parents d’origine ont failli à leur responsabilité de parents ».