Ce sont deux enseignements qu’il convient de tirer de la décision rendue par la troisième chambre civile, le 26 janvier dernier, en matière de bail d’habitation d’un logement démembré (n° 20-20.223) : d’une part, le nu-propriétaire ne peut pas donner un congé pour reprise, d’autre part, c’est au regard du lien existant entre l’usufruitier et le bénéficiaire de la reprise que s’apprécie le respect des conditions de la validité d’un tel congé.
Les faits à l’origine de l’affaire étaient les suivants : le nu-propriétaire d’un logement, dont le donateur s’était réservé l’usufruit, l’avait donné à bail à un locataire dont il souhaitait désormais le départ. Aussi, avait-il délivré au locataire un congé pour reprise au profit de sa belle-fille avant de l’assigner en validité de ce congé, faisant intervenir volontairement l’usufruitier à l’instance.
Pour déclarer cette action recevable et valider le congé pour reprise, la Cour d’appel retient que l’action du nu-propriétaire était soutenue par l’usufruitier lequel était sciemment intervenu à la procédure au soutien de la demande.
L’analyse est cependant censurée par la Cour de cassation qui commence par rappeler qu’au regard de l’article 595 alinéa 1 du Code civil, seul l’usufruitier a qualité de bailleur en vertu de son droit de jouissance sur le bien dont la propriété est démembrée, en conséquence de quoi il est le seul à avoir qualité pour pouvoir délivrer un congé et agir en validité du congé pour reprise. Elle en conclut ainsi que « seule l’intervention de l’usufruitier à titre principal pour se substituer au nu-propriétaire et élever des prétentions pour son propre compte était de nature à permettre d’écarter la fin de non -recevoir opposée par la locataire ». Autrement dit, il eut fallu que l’usufruitier agisse à titre principal pour que son intervention produise un effet.
En outre, la Cour rappelle qu’en vertu de l’article 25-8 alinéa 4 de la loi du 6 juillet 1989, le congé pour reprise doit indiquer la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire de cette reprise, lequel ne peut être que « le bailleur, son conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire ». Or dans la mesure où l’article 595 précité prévoit que l’usufruitier a seule qualité de bailleur, elle en déduit que c’est au regard du lien familial qui unit l’usufruitier au bénéficiaire que doivent être appréciées les conditions de validité du congé. Ainsi, il importait peu, contrairement à ce que retient la Cour d’appel pour valider le congé, que le nu-propriétaire ait apporté la preuve du lien qui l’unit à sa belle-fille par la production de différents documents puisque la nature du lien qui existe entre le bailleur et le bénéficiaire de la reprise s’apprécie au regard de l’usufruitier, et non du nu-propriétaire. La belle-fille du nu-propriétaire ne peut donc pas bénéficier, en cette seule qualité, d’un congé pour reprise.