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Responsabilité des parents du fait de leurs enfants : la condition de cohabitation absorbée par l’autorité parentale


15 juillet 2024



  • Cass., ass. plén., 28 juin 2024, n° 22-84.760

 

La responsabilité des parents du fait de leurs enfants est à classer parmi les responsabilités objectives du fait d’autrui. La responsabilité est d’abord du fait d’autrui puisque c’est le fait de l’enfant qui est générateur de la responsabilité des parents. La responsabilité est ensuite objective car la responsabilité des parents n’est pas conditionnée à la démonstration d’une faute de leur part. Corrélativement, ils ne sauraient s’exonérer en démontrant qu’ils n’ont pas commis de faute (Civ. 19 févr. 1997, n° 94-21.111).

Prenant appui sur la formulation de l’article 1242 alinéa 4 du Code civil – « Le père et la mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux » – la jurisprudence a façonné les conditions d’engagement de la responsabilité des parents. Certaines s’appliquent à l’enfant : il doit être mineur et avoir commis un fait dommageable (et non un fait générateur de responsabilité !). D’autres s’appliquent aux parents : ils doivent exercer l’autorité parentale et cohabiter avec le mineur.

La décision d’assemblée plénière du 28 juin dernier vient préciser la portée de la condition de cohabitation en cas de séparation des parents. En cela, elle opère un revirement de jurisprudence.

Depuis le début des années 2000, la Cour de cassation considérait, qu’en cas de séparation des parents, la cohabitation n’existait qu’avec le ou les parents chez lesquels la résidence habituelle de l’enfant avait été fixée par un juge (Civ., 20 janvier 2000, n° 98-14.479). En conséquence, seul le parent chez qui l’enfant avait judiciairement sa résidence fixée était potentiellement responsable, et ce même si l’enfant résidait matériellement ailleurs au moment de la commission du fait dommageable. L’autre parent, à l’inverse, était totalement immunisé, alors même qu’il exerçait l’autorité parentale.

C’est sur ce décalage entre la situation des parents, en cas de séparation, qu’est revenue la Cour de cassation. Désormais, et avec cette décision, elle interprète « la notion de cohabitation comme la conséquence de l’exercice conjoint de l’autorité parentale ». Il faut ainsi comprendre que dès lors que deux parents séparés exercent conjointement l’autorité parentale, ils sont considérés comme cohabitant avec leur enfant. La condition de cohabitation est ainsi absorbée par celle de l’autorité parentale, puisque la première se déduit de la seconde.

Plusieurs avantages fondent, selon la Cour, cette nouvelle solution : une plus grande simplicité en cas de garde alternée ou en cas de séparation des parents sans décision judiciaire ; la possibilité d’une meilleure indemnisation pour la victime du fait de l’existence de deux potentiels responsables solidaires ainsi qu’une meilleure cohérence avec le principe de coparentalité législativement promu.

Une seule configuration peut venir briser la cohabitation avec le parent exerçant l’autorité parentale et écarter sa responsabilité. Il s’agit de l’hypothèse dans laquelle une décision administrative ou judiciaire confie le mineur à un tiers. Dans ce cas, ni l’un, ni l’autre des parents ne saurait être responsable, faute de cohabitation!





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