Arrêt n°16-17189 rendu le 4 mai 2017 par la Cour de Cassation (Première Chambre civile) – Sexe neutre : les nécessités de l’organisation sociale et juridique l’emportent sur le droit à la vie privée…devant les juges
Une personne est née, en 1951, avec un corps ni masculin, ni féminin au sens des classifications médicales établies. C’est seulement à l’âge de 35 ans et pour soigner une affection de longue durée (une ostéoporose) qu’il accepte de subir un traitement hormonal à base de testostérone qui va lui donner une apparence masculine.
Puis il se marie et adopte un enfant.
Or, en 2015, il dépose une demande de rectification de son acte de naissance afin de voir substituer à la mention « sexe masculin » la mention « sexe neutre » ou, à défaut, « intersexe ». Après avoir obtenu gain de cause en première instance, il est débouté en appel comme en cassation.
Dans un arrêt rendu le 4 mai 2017 (n° 16-17189), la 1ère chambre civile de la Cour de cassation indique que « la loi française ne permet pas de faire figurer, dans les actes de l’état civil, l’indication d’un sexe autre que masculin ou féminin ».
Mais cette mention du droit positif ne suffisait pas dans la mesure où reprochait à la Cour d’appel d’avoir décidé d’avoir estimé que la création d’un sexe neutre relèverait « de la seule appréciation du législateur », alors « qu’il appartient au juge de garantir le respect effectif des droits et libertés fondamentaux reconnus à chacun, en particulier par les conventions internationales auxquelles la France est partie ». On voit ainsi que les juges sont amenés à se prononcer sur une question qui est plus proche d’un choix politique que de la simple application du droit.
La Cour de cassation va toutefois éviter d’empiéter sur le débat politique en décidant que cette restriction à l’identité sexuelle, que cette classification binaire implique, « poursuit un but légitime en ce qu’elle est nécessaire à l’organisation sociale et juridique, dont elle constitue un élément fondateur », avant d’ajouter « que la reconnaissance par le juge d’un « sexe neutre » aurait des répercussions profondes sur les règles du droit français construites à partir de la binarité des sexes (…) ».
Autrement dit, l’intérêt légitime de l’organisation sociale l’emporte sur la demande de reconnaissance de la spécificité de l’intéressé, du moins devant le juge.
Car on peut penser, avec Mr J. Houssier, que l’admission d’un « sexe neutre » ne peut « ressortir du seul pouvoir judiciaire, en l’absence de précédent et de consensus européens sur le sujet. En ce sens, si la consécration d’un sexe neutre mérite certainement d’être débattue, ce débat doit prioritairement avoir lieu sur les bancs du Parlement, comme le suggèrent ici les juges du droit » (J. Houssier, Sexe neutre : la Cour de cassation s’en remet à la loi, AJ Famille, 2017, p.354).
Annabel QUIN,
Maître de conférences à l’Université de Bretagne-Sud
Ancienne avocat au Barreau de Paris
Mise en ligne: 16/08/2017